I. Une
révélation tragique en forme de poème
A.
Un poème lyrique où la mère chante sa longue quête pour retrouver
son enfant
*Poème
lyrique :
-
Voix de Nawal (didascalie), c’est un « je » qui parle
-
vers libres
-
nombreuses images (« Je t’ai cherché au milieu des nuées
d’oiseaux / car tu étais un oiseau », « portant aux
confins du jour son étrange destin »), mots d’amour
-
C.L de la nature
-
anaphores (« Je t’ai cherché »), parallélismes
(« dans les villes les plus sombres, dans les rues les plus
sombres », « qu’y a-t-il de plus seul / qu’y a-t-il
de plus sombre »), répétitions (« je te racontais... »
x2 v.39-40
-
sonorités : « toujours » x2 v.43 et 44, à la rime
avec « amour » v.55 et 56 ; ou rime interne v48 et
50 (« amour ») ; assonance en [ê] : « père »,
« racontais », « promesse », « défaite »,
« haïssais », « haine », « taire »
v39 à 51 ou en [ou] : « louve », « amour »,
« écoute » v.52 à 57, etc.
-
rythme : ascendant (« là-bas, ici, n’importe où »
(2/2/3)) ; ou binaire (v.24 à 26 ou v.48 ou 50)
*Quête
infinie :
-
anaphores lancinantes de « Je t’ai cherché »
-
accumulation d’adverbes de lieu (« partout, ici, là-bas,
n’importe où »)
-
énumération de lieux divers (« bois, vallées, montagnes,
villes, rues »)
-
antithèses (« au creux des vallées / « en haut des
montagnes ») : elle a arpenté la terre pour trouver son
fils
-
elle a affronté des dangers : quête dans des espaces dangereux
(superlatifs « les plus sombres ») ou impossibles :
métaphore « en creusant sous la terre » ou « en
regardant le ciel » = référence à l’expression « remuer
le ciel et la terre »
B.
Pendant sa quête, elle rêvait ce fils et parlait avec lui
La
longue métaphore de l’oiseau représente le fils tel qu’elle se
l’imaginait lorsqu’elle le cherchait, lorsqu’elle le rêvait :
oiseau comme ce qui nous échappe, ce qui vole de ses propres ailes ?
-
Les images de l’oiseau sont empruntées au poète Saint John Perse,
dans son poème « Oiseaux I » : « L’oiseau,
de tous nos consanguins le plus ardent à vivre, mène aux confins du
jour un singulier destin. Migrateur, et hanté d’inflation solaire,
il voyage de nuit, les jours étant trop courts pour son activité. »
-
Superlatifs : splendeur de ce fils rêvé (« qu’y a-t-il
de plus beau » v19, le plus courageux puisque métaphore des
dangers « seul au milieu des tempêtes » v22)
-
Solitude de l’oiseau : hyperbole « qu’y a-t-il de plus
seul » + polyptote « solitude » / « seul »
-
métaphore de l’ « oiseau plein d’une inflation
solaire » v20 : plein du désir de vivre ? Plein de
l’amour que lui porte sa mère ?
-
métaphore de l’oiseau « portant aux confins du jour, son
étrange destin » : image proleptique (= qui annonce
l’avenir : le destin de Nihad s’avère réellement étrange)
-
Les questions rhétoriques montre qu’elle instaurait un dialogue
avec son fils v20 et 23
-
Ce dialogue s’est poursuivi pendant des années puisque même dans
sa cellule, elle lui parlait : « je te racontais »
répété 3 fois (v.39-41) + répétition de « des mots »
v.35 et 37, avec l’hyperbole « si souvent » dans « des
mots que je t’ai si souvent murmurés » v.37
=
La parole comme un lien d’amour maintenu avec ce fils perdu
C.
Jusqu’à la révélation tragique du procès
-
Rupture avec le connecteur temporel « A l’instant »
répété en anaphore
-
antithèse « horreur » / « bonheur » avec
cette nuance : « tu étais » → « tu es
devenu » = la transformation de l’horreur en bonheur (horreur
du bourreau/ bonheur de retrouver son enfant)
-
« ce petit nez de clown » : signe de filiation,
signe qui relie les contraires à la fois comique et infiniment
tragique, horreur et bonheur.
-
polysyndète : « tu t’es levé / Et tu as sorti […] /
Et ma mémoire a explosé » : enchaînement tragique vers
la (re)connaissance
-
métaphore de la mémoire qui explose : fulgurance de la
compréhension, destruction à la fois de l’image idéale qu’elle
se faisait de son fils et de l’image abominable qu’elle gardait
de son violeur
-
Les signes de la fatalité étaient à déchiffrer au début de sa
lettre : « pluie », « fond des bois »,
« creux », « les plus sombres »,
« creusant », « enterrer », « morts »,
« seul au milieu des tempêtes »
-
La fatalité est plus explicite dans certaines formules :
« étrange destin »,
« aveuglément » (référence
à Oedipe),
« au milieu des nuées
d’oiseaux »
(référence aux
augures)
-
ironie tragique : antithèse « quoi qu’il arrive je
t’aimerai toujours » / « je te haïssais de toute mon
âme »
-
Du coup, les paroles d’amour dites à son fils s’arrêtent et
c’est le silence qui prend le relais : « le silence dans
ma gorge » v27 : phrase nominale mettant en évidence la
métaphore de quelque chose qui resterait coincé dans la gorge, qui
empêcherait de respirer // « l’enfance est un couteau que
l’on vient de me planter dans la gorge » dit Wahab p.38 +
p.130 dans la lettre à Simon : « l’enfance est un
couteau planté dans la gorge » p.130
II. Une lettre
pour dire l’amour d’une mère à son fils
A.
Une dernière parole pour faire éclater la vérité
-
C.L de la parole d’abord très présent : « laisse-moi
te dire », « je te racontais » en anaphore x3,
« écoute », « femme qui chante », « je
parle », « des mots », « si souvent
murmurés », « les dernières paroles » :
Nawal brise le silence après s’être tu pendant des années.
-
puis C.L de l’ignorance / la connaissance : « tu
doutes ? », « elle t’apprendra », « sans
savoir »
-
Nawal prend toutes les précautions pour annoncer la vérité à
Nihad :
-
L’objet de la lettre intervient tardivement, comme si elle reculait
le moment d’annoncer la terrible vérité à son fils :
« Cette lettre […] t’apprendra que la femme qui chante
était ta mère » v.59 avec rejet de « ta mère »
en fin de phrase (voire de ligne).
-
elle parle d’elle à la 3è personne comme pour mettre de la
distance avec cette révélation ; d’ailleurs, c’est « la
lettre » qui annonce la mauvaise nouvelle.
-
elle présente Jeanne et Simon comme étant ses frère et sœur avant
même de dire qui elle est… mais comme il vient d’apprendre dans
la lettre précédente que Jeanne et Simon sont ses enfants, il peut
faire le lien tout seul...
-
Finalement, le C.L du silence l’emporte sur celui de la parole :
« tu tairas-tu » , « au-delà du silence »,
« j’ai choisi de me taire », « les dernières
paroles de ton père » : devant cette vérité horrible,
on ne peut que se taire, comme elle l’a fait.
-
On remarque d’ailleurs une
similitude entre « tu t’es levé » et elle a compris
qu’il était son fils v.30 puis à la fin de la lettre, la
didascalie « il se lève », pour signifier qu’il a
compris.
B.
La haine tenue en échec par l’amour
-
C.L de la haine : « tu étais l’horreur », « notre
défaite », hyperbole « je te haïssais de toute mon
âme »
-
Mais aphorisme (sorte de vérité générale) : « là où
il y a de l’amour, il ne peut y avoir de haine » avec
antithèse « amour » / « haine » et où le
premier exclut le second → constat d’évidence, comme si Nawal
n’avait pas eu d’autre choix que d’aimer son fils.
-
Autre aphorisme : « Une louve défend toujours ses
petits », avec renversement de situation : alors
qu’auparavant, c’était Nihad le loup dans toute sa cruauté
(p.106, Simon dit : « C’est comme un loup qui va venir.
Il est rouge. Il y a du sang dans sa bouche »), désormais,
c’est l’image d’une louve maternante, protectrice, et Nihad
devient un des « petits ».
-
« Quoi qu’il arrive, je t’aimerai toujours » répété
deux fois v.43-44 : le futur montre que cette promesse faite au
jour de la naissance et réitérée dans la cellule, est toujours
d’actualité au moment où Nawal écrit la lettre, et alors même
qu’elle a découvert la vérité sur Nihad = elle veut tenir sa
promesse, et en la disant, elle l’affirme comme étant vraie.
-
Nawal dissocie les deux visages de Nihad : antithèse :
« je parle au fils car je ne parle pas au bourreau », ce
qui lui permet de l’aimer.
C.
Lettre bouleversante d’une mère consolante et protectrice
-
Une mère à son fils : tutoiement +
signature « ta mère »
-
Elle l’interpelle et lui apporte patiemment des explications :
« tu doute ? », « Ecoute », « Sois
patient » x 2 :
-
C.L de la famille : « ton père », « tes frère
et soeur », « ta mère », « fils »
-
L’amour est répété à 4 reprises : « aimerai »
x2 et « amour » x2.
-
Par cette lettre, Nawal dit également son amour jamais exprimé à
Jeanne et Simon : « Ils sont frère et sœur de
l’amour » ; elle dissocie « Jeanne et Simon »,
« tes frère et sœur », répété : « frère
et soeur » (et non plus « jumeaux ») → elle les
nomme, ce qu’elle ne faisait pas auparavant
-
Elle évoque la conception de Nihad : « tu es né de
l’amour » et parle de son père avec le possessif « ton » :
« les dernières paroles de ton père » + elle
termine sa lettre sur « ton père » et « ta mère »
: elle lui donne une identité, des racines, un passé.
-
Elle offre protection, réconfort : impératifs « ne
prends pas froid », « ne tremble pas » + la formule
« Une louve défend toujours ses petits »
-
Répétition : « le bonheur d’être ensemble »,
« rien n’est plus beau que d’être ensemble » :
la famille est garante de l’amour
-
Elle
respecte des dernières paroles de Wahab : être ensemble
(« maintenant que nous sommes ensemble, ça va mieux ») :
là
aussi, elle tient sa promesse.
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