mardi 9 avril 2019

Incendies, LA n°3, "noms véritables"



I. L’acceptation progressive de la vérité

A. Le refus parallèle de Jeanne (paniquée) et de Nawal (qui veut oublier)
- Nawal sur la défensive : « Qu’est-ce que tu me veux ? » + refuse le fardeau des enfants « garde-les ! »
- Jeanne : répétition de l’adverbe « Non » + phrases négatives
- Jeanne est paniquée par la vérité qui se fait jour :
- multiplication des exclamations
- accumulation d’arguments : les noms ne sont pas ceux que lui donne Malak, elle a un certificat de naissance, elle est née en été, Fahim voyait Nawal tous les jours et n’a donc pas pu se tromper sur le nombre d’enfants dans le seau..
- les connecteurs logiques qui donnent l’illusion de la cohérence : « puisque » répété 2x (se rappeler que Jeanne est professeur de maths à l’université, elle est toujours très rationnelle, ce qui lui permet de tenir à distance ses émotions).
- la longueur de de ses phrases, au rythme haché (virgules, « et ») voire en polysyndète pour la dernière réplique.
- parallélisme de construction + répétition de mots, comme pour se convaincre elle-même : « Il a pris l’enfant, il a pris le seau, l’enfant était dans le seau »
- répétition de la négation : « pas deux, pas deux », comme une plainte.

B. Des fables et des erreurs pour (se) détourner de la vérité
- C.L du mensonge, de l’erreur, du secret : « secret », « trompé », « raconter des histoires »
- Jeu de ping-pong (phrase affirmtive / phrase négative) à propos de Fahim, qui débouche sur la vérité : « Fahim me l’a dit » / « Fahim s’est trompé » / « Fahim ne s’est pas trompé » / « Fahim n’a pas bien regardé »
- symbolique de la saison de naissance : « l’été, pas l’hiver », comme s’il s’était agi d’une naissance heureuse, chaleureuse.
- fable du père héroïque : « il a donné sa vie pour votre pays » et celle des parents passionnément amoureux : « il a aimé ma mère et ma mère l’a follement aimé ». Mais cette fable est celle de la naissance de Nihad, pas celle de la naissance des jumeaux.

C. Un cheminement vers la vérité
- C’est Malak qui ouvre le chemin avec des phrases déclaratives très brèves : « ils sont à toi », « Jannaane et Sarwane », « Fahim s’est trompé », « Fahim n’a pas bien regardé » = sûr de lui.
- Malak fait le lien entre les temporalités : passé composé : «je vous ai pris et je suis parti » / présent « tu me reviens », « je vois » / « futur : « ils sauront » : il est celui qui fait le lien entre toutes les époques, donc entre toutes les vérités
- Isotopie du cheminement, du début et du point d’aboutissement : « nous voilà arrivés », « et voilà », « maintenant », « tu me reviens », « début de leur existence » + antithèse « naissance » / « mort » : la boucle est bouclée grâce à Malak qui a accompagné l’acceptation de la vérité
- La transmission des enfants de Fahim à Malak et de Malak à Nawal // la transmission de la vérité de Malak à Jeanne (verbes de mouvements, d’allers / retours): « Fahim me tend… et il repart… je suis parti… tu me reviens » + jeu des didascalies : « prend Jeanne dans ses bras », « avec deux bébés dans ses bras », « donne les enfants à Nawal »)

- Il est finalement écouté par les deux femmes : Nawal a repris ses enfants ; Jeanne croit ce qu’il lui révèle sur sa naissance.

II. Grâce à Malak

A. Malak, le père de substitution 
- « Malak » en Araméen (parlé au Liban pendant l’Antiquité) = « ange »
- Il renomme Jeanne dès qu’il sait qu’elle est la fille de Nawal : « tu es Jannaane » + signe de reconnaissance paternelle : il la prend dans ses bras (didascalie).
- Il martèle, tout au long de l’extrait, qu’il a donné un nom aux enfants : « Je leur ai donné un nom à chacun », « Le garçon s’appelle Sarwane et la fille, Jannaane ». Il répète : « Sarwane et Jannaane ». Il répète à Jeanne : « Jannaane et Sarwane ». Il répète encore : « je vous ai […] nommés : Jannaane et Sarwane ».
- Phrases injonctives : « Prends-les », « prends-les et garde-moi », « écoute-moi » : autorité, c’est lui qui guide, comme un père.
- « Je t’avais prévenue » : comme un père
- Didascalie : « Malak, deux bébés dans ses bras » + « je vous ai nourris et nommés » + comparaison « j’en ai pris soin comme s’il avaient été mes propres enfants » : comme un père
- Métaphore du « jeu des questions et réponses » : joue avec Jeanne, comme un père.

B. Malak, le témoin des origines, celui qui voit et décille ceux qui ne voient pas
- C.L du regard : « se regardent », « on ne voit pas », « il la voyait », « pas bien regardé », « je vois » x 2 → Malak est celui qui voit, qui sait.
- Malak rend présent le passé en se remémorant la passation des enfants → scène devant les yeux des spectateurs, en train de se jouer grâce à la présence de Nawal = rend vraie la parole de Malak aux yeux du spectateur.
- Le récit de Fahim qui lui tend le seau se fait au présent de narration (me tend, repart, lève... ») : Malak rend présent le passé
- Métaphore du dévoilement de la vérité dans le geste de « lever le tissu » du seau.
- Homophonie seau / sceau : le sceau du secret est brisé grâce à Malak
- Didascalie interne : « larmes qui coulent de tes yeux » : Jeanne a les yeux embués, elle voit enfin la vérité // Oedipe qui se crèvent les yeux devant la vérité.

C. Malak, celui qui rend beau l’insupportable et permet de regarder l’avenir
- métaphore des « fruits » nés du « viol et de l’horreur » : du laid est né le beau, le bon
- métaphore : « renverser la cadence des cris perdus » (= exorciser le terrible passé)
- le miracle d’être en vie : « miracles » répété trois fois + « rescapés » pour insister sur le fait que leur vie est précieuse.
- « Tous trois », « trois » + « deux bébés, deux », « l’un à l’autre », « l’un contre l’autre » : Nawal et les jumeaux se ressemblent, ils sont vécu la même chose, c’est pourquoi Nawal doit se sentir unie à eux.
- Possessif dans « tes enfants » : attribue ces deux bébés à Narwal, lui faire accepter le fait qu’elle soit mère.
- Deux futurs prophétiques  : « tu ne sais pas ce qu’il seront pour toi » (sous-entendu : ils t’aideront dans ta reconstruction) + « ils sauront renverser la cadence » → Malak voit l’avenir, comme un prophète



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