mardi 24 avril 2018

Huis-Clos, L.A 4 : dénouement

L.A n° 4 : le dénouement

De la p. 93 « Il ne fera donc jamais nuit ? » à la fin
PBQ : Un dénouement tragique / qui ne dénoue rien / qui reprend les thèmes de la pièce.

  1. Un trio infernal ou le couple impossible
A. le couple Estelle / Garcin ne peut pas exister à cause de la présence d'Inès :
- Estelle cherche désespérément l'amour, le réconfort de Garcin : apostrophe « Mon amour ! » l. 26 avec le possessif (s'approprie Garcin).
- Mais Garcin la repousse verbalement (« laisse-moi » l.28) et physiquement : il s'éloigne d'Estelle dans deux didascalies : « abandonne » l.9 et « repoussant » l.27
- l'antithèse « abandonne Estelle» / « s'approche du bronze » l.9-10 souligne l'éloignement de Garcin, d'autant plus qu'il « caresse » le bronze, par opposition à Estelle qu'il repousse.
- Garcin s'adresse principalement à Inès, et ne parle à Estelle que dans une négation l.28.
- Garcin montre l'obstacle que constitue Inès l.29 : la subordonnée de cause : « quand elle me voit » explique l'impossibilité pour lui d'aimer Estelle.
- Jeu sur les pronoms qui résume tout le jeu des alliances de la pièce l.28, 29 : « O », « moi » (Estelle qui ne compte pas + Garcin) puis « elle », « nous » (Inès + le couple) puis « je » + négation + « tu » (Garcin négation d'Estelle) puis « elle », « me » (Inès + Garcin) : Estelle cherche à fusionner avec Garcin (nous) mais présence d'Inès (elle) fait que le trio n'est jamais réductible.

B. Ils forment un trio, un tout
- Les liens se sont resserrés : ils se tutoient maintenant (ils sont nus les uns devant les autres, se sont tout dit, n'ont plus rien à sa cacher)
- Nombreux mots ou tournures répétés trois fois : « Morte ! » (l.43), énumération de trois termes « ni le couteau, ni le poison, ni le corde » (l.43-44), « eh bien » répété à trois reprises (l.12, 31, 97)
Adverbe « ensemble » et pronoms « nous » l.45 = les 3 personnages indissociables les uns des autres.
- Estelle et Garcin reprennent exactement les paroles d'Inès l. 48 et 52 (« Pour toujours ») et reprennent également son rire l.46, 47, 50, comme s'ils devenaient les miroirs les uns des autres.
- Les verbes de mouvements ne cessent de rapprocher et d'éloigner les personnages (« abandonne », « la repoussant », « se précipite sur »), jusqu'à la l.53 où ils sont unis dans un même pronom (« ils », sont sujet d'un même verbe d'action : « tombent assis », mais sont éclatés chacun de leur côté par le pronom « chacun ») : ils sont à la fois ensemble et séparés, unis et en opposition.

  1. Le regard comme instrument de torture
A. Le regard douloureux
- La peur, l'angoisse du regard est exprimée par Garcin avec :
- l'antithèse « toujours » / « jamais » : effet d'insistance sur le fait qu'on ne peut pas échapper au regard.
- La personnification du regard qui apparaît comme un ogre : Garcin se sent dévoré par les regards : « ces regards qui me mangent... » l.18 = angoisse de la dévoration, de ne plus s'appartenir, de disparaître dans un autre (dans le regard de l'autre).
- Le pluriel hyperbolique « tous ces regards » répété deux fois = comme s'il était assailli,
- L'interjection « ah! » qui traduit à la fois la surprise et la peur,
- La didascalie « brusquement » (// référence à la scène d'exposition, où G. avait peur que la situation lui saute dessus par derrière p.17).

- Le regard de l'autre empêche la mauvaise foi et le mensonge : « tu me verras toujours » l.6 + « tous ces regards » l.17 et 18, « elle me voit » l.29, « les regardant » l.51 => Garcin ne peut pas faire semblant d'aimer Estelle à cause d'Inès qui sait.
- La didascalie de la l.55 : Garcin regarde les deux femmes, puis tous les trois tombent assis sur leur canapé : comme si le regard de Garcin les avait tués => le regard comme arme.
- Le regard prend le dessus sur le rire : la dernière didascalie = « ils cessent de rire et se regardent » l.55 : c'est finalement le regard qui l'emporte sur toute autre chose.

B. Les conséquences de ce regard auquel on ne peut échapper ; Regard = instrument de révélation
- Garcin frise la folie : « Je vous croyais beaucoup plus nombreuses » / restrictive « vous n'êtes que deux » : comme s'il ne le découvrait que maintenant. Ces regards lui pèsent tellement qu'ils lui paraissent multipliés.
- Il a une prise de conscience (Inès l'avait déjà affirmé autrement): « L'enfer, c'est les Autres », expression qui résume à elle seule la pièce : l'enfer ne tient pas à des instruments de torture physique, qualifiés de « plaisanterie », c'est-à-dire qu'ils ne sont rien comparés à la souffrance psychologique infligée par « les Autres ».
- Estelle utilise la violence physique, cherche à tuer Inès : Interjection « Ah! » qui marque la rage + didascalie « coupe-papier » et « plusieurs coups » l.32 => première utilisation du coupe-papier = usage détourné de sa fonction usuelle, mais inutilité de l'objet puisqu'il ne peut même pas tuer.
Ce désir de meurtre montre une chose importante : elle n'a pas changé, ne changera jamais, restera une meurtrière pour l'éternité, dans la mort comme dans la vie. C'est le regard d'Inès qui a permis de révéler cela.
- Inès est agressive : elle martèle l'adjectif « morte » en criant (points d'exclamation), la didascalie l. 41 indique son sentiment : « avec rage » ; elle se frappe elle-même, imitant le geste inutile d'Estelle, pour montrer par l'acte ce qu'elle dit avec des mots.



  1. Un dénouement sans fin ou Un destin figé à jamais
A. L'éternité ou l'éternel recommencement
- Tirade de Garcin qui fait écho à la scène d'exposition avec le bronze, la cheminée, et les références aux représentations populaires de l'enfer => circularité.
-Pourtant Garcin a évolué : « je comprends » l. 14, par opposition à sa naïveté du début « quelle plaisanterie ! » : il a compris le sens de son enfer. Il se méprise lui-même de sa naïveté de départ (« le soufre, le bûcher, le gril ») : rire de mépris l.21
-Phrase finale : « continuons » => enfer éternel, ils continueront pour l'éternité
-Adverbe « toujours » du début de l'extrait et repris par chaque personnage en fin d'extrait : renforce l'éternel recommencement.
-Le coupe-papier qui ne coupe pas : métaphore de la vie sans coupure, référence à la scène d'exposition => référence aussi au « tu me verras toujours » de Garcin. Objet hautement symbolique
- « Il ne fera jamais nuit » l.2 = futur + adverbe « jamais » = éternité

B. Un dénouement tragique
- L'impossibilité d'agir : les objets ne fonctionnent pas (coupe-papier ne tue pas)
- Impossibilité d'agir sur son passé : « c'est déjà fait » l.44, avec l'adverbe « déjà » mis en évidence par l'italique. Mais également impossibilité d'agir sur son présent et dans le futur.
- Garcin, lui, se sent comme le bronze de Barbedienne, immuable, figé pour l'éternité : il est un « en-soi », c'est-à-dire un objet qui ne peut plus changer, il est « réifié » (= transformé en objet).
-« Tout était prévu » l.15 : destin préfixé, non pas le destin de sa vie (Sartre disait que l'homme était « condamné à être libre »), mais le destin de sa mort.
Le pronoms « Ils » dans « ils avaient tout prévu » l.15 : on ignore qui il désigne, une transcendance (= puissance supérieure) => tragique
-Mais la transcendante, peut aussi être désignée par « les Autres » puisque majuscule à « Autres » => l'autre nous dépasse, nous possède, à la manière d'un dieu.
- Le rire final : rire absurde, rire de désespoir ? Rire nerveux ? => le rire à trois, qui montre l'absurdité de la situation. Ou le désespoir.
- « Continuons » = renforce la dimension tragique, puisqu'ils vont continuer à exister, sans rien changer, juste à être là, comme le bronze de Barbedienne. Aucune évolution possible : ils ne peuvent que continuer.

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