jeudi 5 mai 2016

Blasons pétiques, L.A n°1, "Blason du beau tétin", Marot

I. Un éloge sensuel du sein

A. La description sensuelle d'un sein
- octosyllabes, rimes suivies : forme simple, humble, pour une sujet qui l'est tout autant.
- répétition anaphorique de « tétin » + sonorités [t] et [in]qui font entendre le mot « tétin »
- chaque occurrence du nom « tétin » est suivie d'une expansion du nom : adjectifs qualificatifs (« blanc », « beau », « dur »), complément du nom (« de satin »), subordonnée relative (« qui fait honte à la rose »)
- Toute la 1ère moitié du poème consiste exclusivement en une description. Aucun verbe d'action (d'ailleurs, ce n'est pas une phrase verbale).
- description totale de ce sein :
x sa forme arrondie (« refait », « petite boule »),
x sa couleur (« blanc » répété v.1 et 2, mais aussi « rouge » v.11),
x sa fermeté (« jamais ne se bouge »),
x sa douceur (« de satin »)
x et peut-être aussi son parfum (« qui fait honte à la rose »).
- deux images suggèrent aussi le goût de ce sein : « fraise », « cerise »
- donc, description qui fait appel aux cinq sens : vue, toucher, odorat, goût, et même ouïe dans une certaine mesure, puisque le sein finit par crier au v. 28.
= plénitude, vie du sein
B. Un sein fantasmé qui suscite le désir
- En réalité, le poète n'a jamais vu ni touché le sein, comme on l'apprend tardivement, en fin de phrase (v.9). C'est une pure supposition (« je gage »).
- Le « je » n'apparaît qu'une seule fois, dans ce v.10, comme si le poète disparaissait derrière l'objet du désir.
- le désir : manifestée par la symbolique de la couleur rouge (v.11 + les fruits rouges)
- verbes de toucher qui traduisent le désir du poète : « touche », « tâter », « tenir »
- isotopie de l'appétit et de la nourriture : « œuf », « cerise », « fraise », « envie » v.20 répété v. 24, « mûr », « appétit » v.26, « lait » => le sein suscite le désir, mais aussi la création poétique. Il « nourrit » l'imagination du poète.


C. Un blason plaisant et vif
- sujet plaisant
- répétition obsédante du mot « tétin »
- personnification des seins (« compagnon » v. 16, prise de parole du v. 28)
- le désir irrésistible que leur vue produit sur le poète (et sur tout homme) par ex. v. 19-20
- apostrophe lyrique au tétin v. 25 : presque héroï-comique
- le sous-entendu grivois du v.24 et toute la sensualité du poème
- fortes assonances de dentales ([t] et [d]) qui donnent une impression de mordant, comme si le poète avait envie de croquer le fruit défendu à pleines dents.
- Un poème qui semble peu sérieux, qui paraît être la description d'un pur fantasme.


II. Pour donner une représentation de la femme idéale selon le poète

A. L'idéal de la femme encore vierge (la « pucelle »)
- les v. 17 et 18, placés stratégiquement au milieu du poème comme une clé de lecture : le sein est une synecdoque de la femme.
- d'où relecture du début du poème pour en dégager un sens métaphorique :
x la rondeur de la féminité (« œuf », « boule », « cerise »),
x noter aussi que le cercle est la forme de la perfection, perfection également visible dans la double négation v.25 (« ni grand ni petit » : donc d'une taille parfaite) ;
x la femme est précieuse (« ivoire »)
x la pureté est fragile, comme semble le suggérer l' « oeuf ».
- CL de la nouveauté, de la candeur, de la fraîcheur : « tout neuf » v.2, « rose » v.3, « oeuf » v.1
- CL du blanc = éloge de la pureté de la pucelle

B. Mais cette beauté est inaccessible, trop idéalisée, sacralisée
- ce qui compte, ce n'est pas tellement une femme particulière, mais la beauté de la femme en général. Le poète, d'ailleurs, ne parle pas en son nom (on a vu : un seul « je) mais au nom de tous les hommes : tournures impersonnelles « il vient » v.19, « il se faut » v. 22, pronom « on » v.31.
- CL de la beauté : hyperbole du v.4 (plus beau que nulle chose »), comparaison à la rose
- mais une beauté un peu froide : « plus blanc qu'un oeuf » → lisse et fragile ; « boule d'ivoire » → froid, dur ; « jamais ne se bouge » → immobilité, absence de vie
- sacralité du sein encore caché : références au fruit défendu (la cerise et la fraise) + sein caché (« que nul ne voit, ne touche aussi » v. 9) → inaccessible, pur objet de fantasme
- préservation de la vertu et de la pudeur de la « pucelle » : v.22 « il se faut bien contenir »

C. D'où une préférence pour la femme mariée et mère
- seule la femme mère est vraiment « entière » cf. dernier vers où le « tétin de femme entière et belle » semble supérieur au « tétin de pucelle ».
- isotopie du mariage avec le blanc tout au long du poème, de l'oeuf au lait, ne passant par l'ivoire
- répétition impatiente de l'impératif « mariez » v. 28 avec à chaque fois diérèse pour insister sur le terme.
- le sein nourricier : CL de la nourriture et du lait
- les dentales [d] et [t] peuvent suggérer le bruit de la suscion, de la tétée
- notion de bonheur (« heureux ») liée à la notion de maternité
- CL de la plénitude : « enfles » v.29, « emplira » v.32, « entière » v.34

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