lundi 21 décembre 2015

Barbier, L.A n°4 : Acte IV, scène 8 (dénouement)

I. Un dénouement classique qui résout l'intrigue

A. La reconnaissance d'identité
- Tous les personnages présents sur scène pour que l'intrigue soit achevée et connue de tous + un Alcade qui représente la loi, la justice, la neutralité.
- Figaro dévoile l'identité du Comte à Bartholo, dans une longue désignation l.14 (« Son Excellence monseigneur le comte Almaviva »).
- Bartholo marque sa surprise par l'exclamation : « Almaviva ! »l.15
- l'Alcade rétablit logiquement (connecteur « donc ») la vérité par une question l.16 (« ce ne sont donc pas des voleurs ? »).
- Bartholo (qui savait qu'il ne s'agissait pas de voleurs) change de sujet par un impératif : « Laissons cela » l.17

B. Le mariage 
Une fois l'identité des personnages connue de tous, on résout la question du mariage :
- C'est le Comte qui informe Bartholo l.21 à 24, dans une périphrase signifiant le mariage : « mademoiselle[…] se donnant à moi » l.23 → Bartholo prononce explicitement le mot « mariage » l. 31→ le Comte confirme « elle est ma femme » l. 45 → l'Alcade, représentant de la loi, statue : « certainement » puis « le plus honorable mariage » l. 54-55, il a le dernier mot sur cette affaire.
- Mais Bartholo sort toute une batterie d'arguments, réfutés les uns après les autres :

l'adverbe « ici » en antithèse avec « supériorité du rang » (« la supériorité du rang est ici sans force ») l.19 : lieu > rang social
Puis à l'évocation du rang d'Almaviva, il répète dans une question rhétorique que cela ne pèse pas : « Que m'importe à moi ? »
Le comte l.21-24 : la préférence de la demoiselle > lieu (la propriété de Bartholo) → isotopie de la liberté : « préférence », « volontairement », « se donnant » (verbe pronominal soulignant qu'elle a fait elle-même cette action).
Dubitatif sur la réponse du Comte, il demande confirmation à Rosine l. 25
Rosine l.26-28 : ironie dans la question de l'étonnement (elle fait mine d'être étonnée de son étonnement) + dans la désignation « un trompeur » (faux quiproquo : le trompeur devait être Almaviva à l'acte IV, scène 3 p.143)
Argument de la légalité : pas de témoins (question l. 32) puis Rosine pas émancipée (l. 41)
Notaire : confirme la présence des deux témoins.
Figaro : Rosine vient de sémanciper
A court d'arguments, affirmation péremptoire : « jamais » + « on » + futur « Jamais on ne l'ôtera de mes mains » l. 48
L'Alcade : statue sur le mariage l.54.

Tous les personnages interviennent les uns après les autres pour faire voir la vérité du mariage à Bartholo, qui ne peut, dès lors, qu'admettre sa défaite, mais il réussit encore à la justifier :
- argument du nombre l.62 : « ils étaient tous contre moi » avec antithèse sur les pronoms « ils, tous » / « moi ».
- « guêpier » : les guêpes, ce sont les mauvais, ceux qui attaquent, donc Bartholo se pose en victime.
Mais, il admet sa responsabilité :
- verbe pronominal : « je me suis fourré la tête » l. 62 + « je me suis perdu » l.79
- pronom tonique « moi » l.77 + paradoxe ironique : « enlevé l'échelle » / « mariage plus sûr » l.78.

C. La question de l'argent
Une fois la question du mariage résolu, on règle celle de l'argent (dettes de Figaro + argent de Rosine détenue par Bartholo) :
- C.L de l'argent : « riche » l. 45, « biens » l.56, « compte » l.57, « cent écus » l.60, « « argent » répété 3 fois l.65 et 67.
- C'est l'Alcade qui soulève la question par l'expression « mauvaise administration des biens » l.56
- Mais Almaviva, grand seigneur (« homme de qualité ») et surtout « riche », s'en fiche : « je ne lui demande rien » → mariage d'amour.
- Bartholo : manie l'antiphrase : « je me soucie bien de l'argent » l. 67 (sous-entendu : l'argent m'est égal), mais en antiphrase avec « je le garde » l. 68, et surtout, la didascalie « il signe » l. 69 → le garde-t-il en « réparation » de sa perte ? Par amour de l'argent ? Quelle sincérité chez Bartholo ? Aucune réponse.
- C'est Figaro qui demande la rémunération de sa peine : ses «  cent écus ».
- Sa réplique moqueuse sur Bartholo et Bazile (« ils sont de la même famille » l.70) l'inclut donc également : il est de la même famille qu'eux, puisqu'aussi vénal !

II. Un dénouement comique et engagé (castigat ridendo mores)

A. Une scène rapide et comique
Une scène rapide et vive
- Etapes de la scène :
- l.1 à 16 : la reconnaissance (qui est qui)
- l. 17 à 57 : le mariage
- l.58 à 69 : résolution de l'affaire pécuniaire
- l.70 à la fin : la morale
- Phrases courtes, qui s'enchaînent (anadiploses), se répondent (questions / réponses), ou personnages qui se coupent la parole : l.65 à 66.
- Propositions brèves, souvent en 5 syllabes (ex. l.29 à 34)
- Interjections et exclamations marquant la vivacité de la scène.
Une scène comique
- quiproquo (comique de situation) : l. 5 (Bartholo prend son notaire pour un « voleur ») ; Le notaire est perdu l. 72 (« Je n'y comprends plus rien » ).
- bouffonnerie (comique de gestes) : l. 2 et 3 (Figaro embrasse « grotesquement » Bazile et Bartholo saisit son notaire à la gorge)
- comique de mots : l.12-13, Figaro explique les « heures indues » par une phrase qui n'explique rien : « aussi près du matin que du soir » ; l.36-37, Bazile joue sur les mots (synecdoque) l. 36-37 : « les poches pleines d'arguments irrésistibles » ; paronomase l. 79-80 : « faute de soin » devient « faute de sens ».
- comique de caractère : la vénalité de Bazile (l.36-37 mais aussi 64-65 : « Ne pouvant avoir la femme, calculez, Docteur, que l'argent vous reste ; et... » = l'argent plus important que la femme selon lui, voire pire : la phrase coupée peut suggérer que selon le maître à chanter, il vaut mieux avoir l'argent sans la femme, Bartholo serait donc grand gagnant!) ; vénalité de Figaro : « la quittance de mes cent écus » l.60)

B. La critique de l'autorité abusive
- CL de la tyrannie très présent : « force » l.19 et 21, « autorité » l.39 et 50, « abusant » l.40, « pouvoir » l.49, « violence » l.51, « opprime » l.53, « résistance » l.54
- ton vindicatif de Bartholo (injonctions à l'impératif) : « arrêtez », laissons », etc.
- Il insulte Figaro : « maître fripon » l. 43 et Bazile : « Eh ! Laissez-moi donc en repos, Bazile ! » l.66
- Il veut imposer sa volonté malgré les arguments fondés des uns et des autres , l.38 : « Je me moque de ses arguments » → deux futurs à modalité jussive (= impératifs) : « j'userai » l.38 et « jamais » + « ôtera » l.48
- paradoxe souligné par le comte l.38 : « vous l'avez perdue [votre autorité] en abusant ».
- Phrase nominale et exclamation de Bartholo l.3: constat de son échec, Rosine lui a désobéi (elle était censée rester dans sa chambre) : parole brève signifiant sa perte de pouvoir (rappel : la parole = signe de pouvoir au théâtre)
- C'est finalement Rosine qui a choisi avec qui se marier : réplique du comte l. 21 à 24 soulignant la liberté de la jeune femme.
- Rôle important (symboliquement) de l'Alcade : il pose des questions avant d'affirmer des vérités (l.10, 16) ; il tire des conclusions sensées (« ce ne sont donc pas de voleurs » l. 16 ; « cette résistance au mariage indique assez sa frayeur... » l. 54-55) = il incarne les « vrais magistrats », selon la définition qu'en donne le comte l. 52 : « les soutiens de tous ceux qu'on opprime » . Sa présence est nécessaire pour être le juge impartial dans le conflit et pour acter la validité du mariage.


C. Les moralités de la pièce
- la précaution inutile : triomphe de la jeunesse et de l'amour, rappelé par Figaro dans la dernière réplique.
- Importance du mot de la fin : c'est le message ultime de la pièce, rappelé par Figaro/ Beaumarchais.
- Cependant, quelques moralités implicites :
- les nobles s'épousent entre eux (réplique du comte l. 44 : « elle est … noble … je suis homme de qualité ». Il aurait été inconvenant que Bartholo, un roturier, épouse une noble.
- La noblesse domine les autres classes, comme Bartholo lui-même le reconnaît l. 18 : « Partout ailleurs, je suis le serviteur de Votre Excellence » + son injonction très déférente : « Ayez, s'il vous plaît, la bonté de vous retirer » (par contraste avec la manière dont il s'adresse à Figaro ou Bazile).
- L'Alcade lui-même souligne la grandeur naturelle des nobles : quand il entend qu'il s'agit du comte Almaviva, il conclut : « ce ne sont donc pas des voleurs » → idée implicite que les nobles ne peuvent pas être des voleurs.
- Almaviva peut se ficher de l'argent, il est « riche » comme il l'affirme lui-même : mépris à l'égard de Bartholo ?
- … et Rosine dans tout ça ? Elle n'a pas son mot à dire sur la gestion de son argent ! Almaviva, son mari, gère tout pour elle… se substituant ainsi à son tuteur. Noter d'ailleurs qu'elle ne prononce qu'une seule réplique dans cette scène. Les hommes règlent son sort entre eux.
- Plus important : la loi est le garant des libertés et de la justice selon Beaumarchais → rôle de l'Alcade, et formule du comte : « je la mets [Rosine] sous l'autorité des lois » + sa tirade sur les magistrats.

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