I.
Un dénouement classique qui résout l'intrigue
A.
La reconnaissance d'identité
-
Tous les personnages présents sur scène pour que l'intrigue soit
achevée et connue de tous + un Alcade qui représente la loi, la
justice, la neutralité.
-
Figaro dévoile l'identité du Comte à Bartholo, dans une longue
désignation l.14 (« Son Excellence monseigneur le comte
Almaviva »).
-
Bartholo marque sa surprise par l'exclamation :
« Almaviva ! »l.15
-
l'Alcade rétablit logiquement (connecteur « donc ») la
vérité par une question l.16 (« ce ne sont donc pas des
voleurs ? »).
-
Bartholo (qui savait qu'il ne s'agissait pas de voleurs) change de
sujet par un impératif : « Laissons cela » l.17
B.
Le mariage
Une
fois l'identité des personnages connue de tous, on résout la
question du mariage :
-
C'est le Comte qui informe Bartholo l.21 à 24, dans une périphrase
signifiant le mariage : « mademoiselle[…] se donnant à
moi » l.23 → Bartholo prononce explicitement le mot
« mariage » l. 31→ le Comte confirme « elle est
ma femme » l. 45 → l'Alcade, représentant de la loi,
statue : « certainement » puis « le plus
honorable mariage » l. 54-55, il a le dernier mot sur cette
affaire.
-
Mais Bartholo sort toute une batterie d'arguments, réfutés les uns
après les autres :
l'adverbe
« ici » en antithèse avec « supériorité du
rang » (« la supériorité du rang est ici sans
force ») l.19 : lieu > rang social
Puis
à l'évocation du rang d'Almaviva, il répète dans une question
rhétorique que cela ne pèse pas : « Que m'importe à
moi ? » |
Le
comte l.21-24 : la préférence de la demoiselle > lieu
(la propriété de Bartholo) → isotopie de la liberté :
« préférence », « volontairement », « se
donnant » (verbe pronominal soulignant qu'elle a fait
elle-même cette action). |
Dubitatif
sur la réponse du Comte, il demande confirmation à Rosine l. 25 |
Rosine
l.26-28 : ironie dans la question de l'étonnement (elle fait
mine d'être étonnée de son étonnement) + dans la désignation
« un trompeur » (faux quiproquo : le trompeur
devait être Almaviva à l'acte IV, scène 3 p.143) |
Argument
de la légalité : pas de témoins (question l. 32) puis
Rosine pas émancipée (l. 41) |
Notaire :
confirme la présence des deux témoins. Figaro : Rosine vient de sémanciper |
A
court d'arguments, affirmation péremptoire : « jamais »
+ « on » + futur « Jamais on ne l'ôtera de mes
mains » l. 48 |
L'Alcade :
statue sur le mariage l.54. |
→ Tous
les personnages interviennent les uns après les autres pour faire
voir la vérité du mariage à Bartholo, qui ne peut, dès lors,
qu'admettre sa défaite, mais il réussit encore à la justifier :
-
argument du nombre l.62 : « ils étaient tous contre moi »
avec antithèse sur les pronoms « ils, tous » / « moi ».
-
« guêpier » : les guêpes, ce sont les mauvais,
ceux qui attaquent, donc Bartholo se pose en victime.
Mais,
il admet sa responsabilité :
-
verbe pronominal : « je me suis fourré la tête »
l. 62 + « je me suis perdu » l.79
-
pronom tonique « moi » l.77 + paradoxe
ironique : « enlevé l'échelle » / « mariage
plus sûr » l.78.
C.
La question de l'argent
Une
fois la question du mariage résolu, on règle celle de l'argent
(dettes de Figaro + argent de Rosine détenue par Bartholo) :
-
C.L de l'argent : « riche » l. 45, « biens »
l.56, « compte » l.57, « cent écus » l.60,
« « argent » répété 3 fois l.65 et 67.
-
C'est l'Alcade qui soulève la question par l'expression « mauvaise
administration des biens » l.56
-
Mais Almaviva, grand seigneur (« homme de qualité ») et
surtout « riche », s'en fiche : « je ne lui
demande rien » → mariage d'amour.
-
Bartholo : manie l'antiphrase : « je me soucie bien
de l'argent » l. 67 (sous-entendu : l'argent m'est égal),
mais en antiphrase avec « je le garde » l. 68, et
surtout, la didascalie « il signe » l. 69 → le
garde-t-il en « réparation » de sa perte ? Par
amour de l'argent ? Quelle sincérité chez Bartholo ?
Aucune réponse.
-
C'est Figaro qui demande la rémunération de sa peine : ses «
cent écus ».
-
Sa réplique moqueuse sur Bartholo et Bazile (« ils sont de la
même famille » l.70) l'inclut donc également : il est de
la même famille qu'eux, puisqu'aussi vénal !
II.
Un dénouement comique et engagé (castigat ridendo mores)
A.
Une scène rapide et comique
Une
scène rapide et vive
-
Etapes de la scène :
-
l.1 à 16 : la reconnaissance (qui est qui)
-
l. 17 à 57 : le mariage
-
l.58 à 69 : résolution de l'affaire pécuniaire
-
l.70 à la fin : la morale
-
Phrases courtes, qui s'enchaînent (anadiploses), se répondent
(questions / réponses), ou personnages qui se coupent la parole :
l.65 à 66.
-
Propositions brèves, souvent en 5 syllabes (ex. l.29 à 34)
-
Interjections et exclamations marquant la vivacité de la scène.
Une
scène comique
-
quiproquo (comique de situation) : l. 5 (Bartholo prend son
notaire pour un « voleur ») ; Le notaire est perdu
l. 72 (« Je n'y comprends plus rien » ).
-
bouffonnerie (comique de gestes) : l. 2 et 3 (Figaro embrasse
« grotesquement » Bazile et Bartholo saisit son notaire à
la gorge)
-
comique de mots : l.12-13, Figaro explique les « heures
indues » par une phrase qui n'explique rien : « aussi
près du matin que du soir » ; l.36-37, Bazile joue sur
les mots (synecdoque) l. 36-37 : « les poches pleines
d'arguments irrésistibles » ; paronomase l. 79-80 :
« faute de soin » devient « faute de sens ».
-
comique de caractère : la vénalité de Bazile (l.36-37 mais
aussi 64-65 : « Ne pouvant avoir la femme, calculez,
Docteur, que l'argent vous reste ; et... » = l'argent plus
important que la femme selon lui, voire pire : la phrase coupée
peut suggérer que selon le maître à chanter, il vaut mieux avoir
l'argent sans la femme, Bartholo serait donc grand gagnant!) ;
vénalité de Figaro : « la quittance de mes cent écus »
l.60)
B.
La critique de l'autorité abusive
-
CL de la tyrannie très présent : « force » l.19 et
21, « autorité » l.39 et 50, « abusant »
l.40, « pouvoir » l.49, « violence » l.51,
« opprime » l.53, « résistance » l.54
-
ton vindicatif de Bartholo (injonctions à l'impératif) :
« arrêtez », laissons », etc.
-
Il insulte Figaro : « maître fripon » l. 43 et
Bazile : « Eh ! Laissez-moi donc en repos, Bazile ! »
l.66
-
Il veut imposer sa volonté malgré les arguments fondés des uns et
des autres , l.38 : « Je me moque de ses arguments »
→ deux futurs à modalité jussive (= impératifs) :
« j'userai » l.38 et « jamais » + « ôtera »
l.48
-
paradoxe souligné par le comte l.38 : « vous l'avez
perdue [votre autorité] en abusant ».
-
Phrase nominale et exclamation de Bartholo l.3: constat de son échec,
Rosine lui a désobéi (elle était censée rester dans sa chambre) :
parole brève signifiant sa perte de pouvoir (rappel : la parole
= signe de pouvoir au théâtre)
-
C'est finalement Rosine qui a choisi avec qui se marier :
réplique du comte l. 21 à 24 soulignant la liberté de la jeune
femme.
-
Rôle important (symboliquement) de l'Alcade : il pose des
questions avant d'affirmer des vérités (l.10, 16) ; il tire
des conclusions sensées (« ce ne sont donc pas de voleurs »
l. 16 ; « cette résistance au mariage indique assez sa
frayeur... » l. 54-55) = il incarne les « vrais
magistrats », selon la définition qu'en donne le comte l. 52 :
« les soutiens de tous ceux qu'on opprime » . Sa
présence est nécessaire pour être le juge impartial dans le
conflit et pour acter la validité du mariage.
C.
Les moralités de la pièce
-
la précaution inutile : triomphe de la jeunesse et de l'amour,
rappelé par Figaro dans la dernière réplique.
-
Importance du mot de la fin : c'est le message ultime de la
pièce, rappelé par Figaro/ Beaumarchais.
-
Cependant, quelques moralités implicites :
-
les nobles s'épousent entre eux (réplique du comte l. 44 :
« elle est … noble … je suis homme de qualité ». Il
aurait été inconvenant que Bartholo, un roturier, épouse une
noble.
-
La noblesse domine les autres classes, comme Bartholo lui-même le
reconnaît l. 18 : « Partout ailleurs, je suis le
serviteur de Votre Excellence » + son injonction très
déférente : « Ayez, s'il vous plaît, la bonté de vous
retirer » (par contraste avec la manière dont il s'adresse à
Figaro ou Bazile).
-
L'Alcade lui-même souligne la grandeur naturelle des nobles :
quand il entend qu'il s'agit du comte Almaviva, il conclut :
« ce ne sont donc pas des voleurs » → idée implicite
que les nobles ne peuvent pas être des voleurs.
-
Almaviva peut se ficher de l'argent, il est « riche »
comme il l'affirme lui-même : mépris à l'égard de Bartholo ?
-
… et Rosine dans tout ça ? Elle n'a pas son mot à dire sur
la gestion de son argent ! Almaviva, son mari, gère tout pour
elle… se substituant ainsi à son tuteur. Noter d'ailleurs qu'elle
ne prononce qu'une seule réplique dans cette scène. Les hommes
règlent son sort entre eux.
-
Plus important : la loi est le garant des libertés et de la
justice selon Beaumarchais → rôle de l'Alcade, et formule du
comte : « je la mets [Rosine] sous l'autorité des lois »
+ sa tirade sur les magistrats.
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