L.A.
L'Assommoir, Zola, la description de la misère
Eléments
à donner en intro : L'Assommoir est un roman
publié en 1877 et appartenant à la grande saga des Rougon-Macquart.
Gervaise est une blanchisseuse, elle tombe amoureuse de Coupeau,
ouvrier zingueur. Après un accident du travail, Coupeau ne peut plus
gagner sa vie est sombre dans l'alcool, entraînant Gervaise dans sa
déchéance. Le passage se situe dans la deuxième partie du roman,
il décrit la misère du peuple, à travers des personnages qui
habitent le même immeuble.
- Une description ancrée dans un récit réaliste
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A. Une description subjective
- Il s'agit d'un récit au passé : temps du récit (imparfait et passé simple), mais prédominance de l'imparfait car description.
- Personnage principal = Gervaise, tout est vu à travers son regard, c'est donc une focalisation interne : dès la 1ère phrase, c'est par Gervaise qu'on perçoit la misère
- S'il n'y a pas de dialogue, il y a tout de même du discours indirect libre (dont Zola est friand) nous permettant de pénétrer les pensées de Gervaise : « le père Bru, ce pauvre vieux qu'on laissait crever ».
- Lexique familier voire populaire, qui épouse le langage de Gervaise : « mioches », « des danses s'élevaient », « crever », etc.
- Les sentiments de Gervaise sont livrés : « elle souffrait », « elle plaignait », « grande pitié », « elle devenait mauvaise et détestait les hommes », etc.
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B. Une description détaillée
- de multiples adjectifs qualificatifs ou compléments du nom qui précisent les noms : « existence enragée », « coin des pouilleux », « larmes de femmes », « mioches affamés », etc. = tristesse, faim, saleté
- des détails symboliques qui donnent de la force à la description : « bouches tendues », « poitrines se creusaient », « où les moucherons eux-mêmes n'auraient pas pu vivre » = faim et insalubrité
- misère décrite à travers plusieurs sens : l'ouïe (« entendait râler autour d'elle », « silence de crevaison », « plaintes »), l'odorat (« ne lâchaient guère souvent des odeurs de cuisine » ; « respirer cet air »), toucher (« crampe au gosier »), la vue (« regardaient s'il n'était pas fini ») = misère totale
- description des lieux les plus reculés, les plus oubliés : « ce coin de la maison » avec répétition du mot « coin » ; « le long du corridor » qui amenuise l'espace, oppresse davantage ; « les murs » ; « dans son trou, sous le petit escalier » = endroit de plus en plus retiré, pitoyable.
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C. Une description qui évolue
- La description guide le regard du lecteur vers de plus en plus de pathétique, en partant d'une vision générale de l'immeuble, pour se centrer sur le père Bru :
- cadre impersonnel au début :
-nombre imprécis « trois ou quatre ménages »
-pluriel indéterminé : « les portes », « des familles », « toutes ces bouches », « les voisins » = insiste sur le nombre
-généralisation : « larmes de femmes », « plaintes de mioches », « crampe au gosier générale », « on était là » = la misère concerne tous les habitants de ce coin
- puis focus sur le père Bru :
-rupture dans le texte grâce à la conjonction de coordination « mais » + superlatif « la grande pitié de Gervaise » = ce qui précède n'est qu'un avant-goût de la déchéance, comme s'il était possible de descendre encore plus bas.
-Premier nom propre cité, à l'exception de Gervaise : « le père Bru ».
-il est individualisé grâce au pronom singulier « il » ; il est sujet de nombreux verbes.
-S'il n'agit pas, il est le centre d'intérêt de Gervaise et dans une certaine mesure, des voisins (ils « poussaient sa porte, regardaient s'il n'était pas fini »).
-Il permet d'accentuer le pathos, puisqu'on peut éprouver de l'empathie pour lui, comme Gervaise qui
le « plaignait toujours bien sincèrement » .
- Pour dénoncer la misère du peuple
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A. Le registre pathétique
- CL du pathos : « larmes », « plaintes », « pitié », plaignait », « pauvre vieux », « poids sur le coeur »
- Misère accentuée par le fait que ce sont des « femmes » ou des « mioches », ou un pauvre vieillard qui sont concernés avant tout.
- Le CL du vide, de l'absence, du creux, domine tout le texte : « ne lâchaient guère souvent des odeurs de cuisine », « «silence », « murs sonnaient creux », « ventre vides », « baillant », « se creusaient », « faute de nourriture »
- CL de l'abandon : on a vu « le coin », le « trou », sous le petit escalier », mais encore « s'y retirait », « de l'autre côté du corridor », « on laissait crever », « abandonné de Dieu et des hommes ».
- le pronom indéfini « on » dans « on était là dans une crampe » associe le lecteur à cette misère, pour faciliter l'identification.
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B. Le père Bru, allégorie de
la misère
- il est d'abord animalisé : comparaison « comme une marmotte », puis « comme un chien » ; il vit dans sa niche, sous l'escalier, « sur un tas de paille » ; il se comporte en animal : « s'y mettait en boule », et Gervaise « lui jetait des croûtes ».
- Il se retire lui-même du monde pour économiser le peu d'énergie qui lui reste, comme le suggère l'oxymore : « même plus sortir car c'était inutile d'aller gagner dehors de l'appétit »
- puis il devient un animal bon à rien, par la métaphore terrible : « bête hors de service, dont les équarrisseurs ne voulaient même pas acheter la peau ni la graisse ».
- son passé est discrètement rappelé : « il ne pouvait plus tenir un outil » : c'est un ancien ouvrier ; cela accentue la révolte ressentie devant sa déchéance : il a travaillé toute sa vie, mais désormais « hors de service », on le laisser « crever ». Les êtres humains sont donc réduits à l'état d'objet puisqu'ils sont considérés selon les valeurs d'utile/ inutile.
- Il devient d'ailleurs une chose, avec la comparaison avec les oranges « ratatinées et desséchées » et « qui se racornissent » : on lui a pris tout son jus, toute son énergie, il a été pressé jusqu'au bout, désormais, on l'oublie.
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C. La dénonciation
- Zola dénonce donc la misère, visible avant tout par la famine, mais aussi grâce à d'autres détails :
- CL de la faim : « faims » au pluriel ; « ne pas avoir du pain », « crampe au gosier », « affamés », « faim », « appétit », etc. (il y en a beaucoup!)
- Images frappantes de la faim : comparaison « les murs sonnaient creux comme des ventres vides » ; métaphore « familles qui se mangeaient pour tromper leur estomac » ; « les moucherons eux-mêmes n'auraient pas pu vivre faute de nourriture »
- CL du corps en lien avec la nourriture : « ventres », « estomac », « gosier », « bouches ».
- En plus de la faim, le froid : « pour avoir moins froid » ; la saleté et l'insalubrité : « pouilleux », « cet air », « croûtes »
- Mais Zola dénonce également les conséquences de cette misère :
- La violence : « des danses s'élevaient », « familles qui se mangeaient »
- La mort qui plane partout : « râler » (un râle est un bruit rauque que fait un mourant) ; « crevaison », « pas pu vivre », « sans bouger », « fini », « mort », « crever » ; sans compter les images qui évoquent la tombe : « de l'autre côté du corridor », « murs … creux », « dans son trou »
- Et l'auteur s'insurge également contre l'indifférence des bourgeois :
- Les « pouilleux » sont plutôt solidaires entre eux : les voisins vérifient que le père Bru n'est pas mort et Gervaise, lorsqu'elle le peut, lui lance des croûtes de pain.
- Par contraste, il n'est jamais fait mention d'aucune autre solidarité, au contraire : on a vu que le père Bru ne peut plus travailler, ce qui le contraint à la misère : le pronom indéfini « on » dans « on le laissait crever » désigne les bourgeois qui ne se préoccupent plus de lui. De même, « personne ne l'avait invité en ville » accentue son abandon par ceux qui pourraient le soutenir, et traduit l'indignation de Zola.
- L'hyperbole « abandonné de Dieu et des hommes » dénonce à la fois la religion et les bourgeois qui s'en remettent à Dieu pour les guider tout en ignorant les plus faibles qui auraient besoin de leur solidarité.
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