mardi 4 novembre 2014

Les registres littéraires (définitions et exercice)


Définition : le registre est l'impression qu'un texte produit chez celui qui la reçoit (admiration, terreur, compassion, amusement, rire...). On distingue les registres sérieux des registres plaisants.

 
LES REGISTRES PLAISANTS :

Le registre comique vise surtout à provoquer le rire du lecteur au moyen de procédés variés (décalages, absurde, répétitions...)

Le registre satirique: le rire n'est plus une fin mais un moyen de critiquer une institution, un groupe social ou un travers de l'humanité.

Le registre burlesque : d'un comique outré, le burlesque, volontiers narratif, consiste à caricaturer les situations, à travestir les individus (humanisation des dieux, animalisation des hommes). Les situations les plus grossières, violemment contrastées, peuvent être racontées de manière mécanique.

Le registre ironique : L'ironie est une arme essentielle de la stratégie argumentative : elle place le récepteur dans une relation de complicité : celui-ci doit comprendre, grâce à divers indices, qu'elle formule exactement le contraire de ce qu'elle veut démontrer.


LES REGISTRES SERIEUX :

Le registre pathétique : l'oeuvre évoque des souffrances poignantes d'individus communs et attire la compassion du lecteur.

Le registre tragique suscite" terreur et pitié".Les souffrances évoquées concernent des personnages de rang élevé (héros, rois...) poursuivis par un destin contraire.

Le registre épique provoque l'admiration et l'effroi des lecteurs en narrant les exploits guerriers de héros formidables dans un univers hanté parfois de forces surnaturelles.

Le registre lyrique correspond aux oeuvres dans lesquelles l'auteur épanche son "Moi" et fait partager au lecteur ses sentiments personnels. Thèmes : amour, fuite du temps, nostalgie...
Le registre polémique correspond aux textes dans lesquels l'auteur combat avec violence des personnes ou des thèses qui lui déplaisent.

Le registre didactique : il s'agit d'apporter au lecteur des informations ou de lui enseigner un certain type de comportement. Phrases injonctives brèves et claires, facilitant la compréhension du message.
Le registre élégiaque : plainte exprimant des sentiments mélancoliques. Thèmes : passions amoureuses, méditations sur la mort, les tourments de la vie, peinture de la nature. La forme est toujours harmonieuse : le travail effectué sur le rythme, les sonorités et les images privilégie l'esthétique.

Le registre fantastique est destiné à susciter l'inquiétude. Le vocabulaire maintient l'ambiguïté et caractérise le trouble du personnage, confronté à des phénomènes inexplicables, par le lexique de l'étrange et le champ lexical de la peur.

Le registre réaliste : choix de personnages et de situations ordinaires. Langue authentique, parfois familière, et par l'emploi d'une syntaxe relâchée.
Détails authentiques afin de produire un effet de réel. Ces détails peuvent être empruntés au sordide ou simplement à l'univers familier. Témoigne souvent d'un certain pessimisme, voire d'une fascination morbide.




Exercices d'entraînement : 

1) (Paul, sans pouvoir la secourir, voit sous ses yeux mourir Virginie dans le naufrage du bateau qui la ramenait sur son île).
« On vit alors un objet digne d’une éternelle pitié : une jeune demoiselle parut dans la galerie de la poupe du Saint-Géran, tendant les bras vers celui qui faisait tant d’efforts pour la joindre. C’était Virginie. Elle avait reconnu son amant à son intrépidité. La vue de cette aimable personne, exposée à un si terrible danger, nous remplit de douleur et de désespoir. Pour Virginie, d’un port noble et assuré, elle nous faisait signe de la main, comme nous disant un éternel adieu. Tous les matelots s’étaient jetés à la mer. Il n’en restait plus qu’un sur le pont, qui était tout nu et nerveux comme Hercule. Il s’approcha de Virginie avec respect : nous le vîmes se jeter à ses genoux, et s’efforcer même de lui ôter ses habits ;mais elle, le repoussant avec dignité, détourna de lui sa vue. On entendit aussitôt les cris redoublés des spectateurs : « Sauvez-la, sauvez-la ; ne la quittez pas ! » Mais dans ce moment une montagne d’eau d’une effroyable grandeur s’engouffra entre l’île d’Ambre et la côte, et s’avança en rugissant vers le vaisseau, qu’elle menaçait de ses flancs noirs et de ses sommets écumants. A cette terrible vue le matelot s’élança seul à la mer  ; et Virginie, voyant la mort inévitable, posa une main sur ses habits, l’autre sur son coeur, et levant en haut ses yeux sereins, parut un ange qui prend son vol vers les cieux. »
(tragique)

2) "L'automne me surprit au milieu de mes incertitudes : j'entrais avec ravissement dans les mois des tempêtes."
(lyrique)


3) Au marché de Briv'-la-Gaillarde
A propos de bottes d'oignons,
Quelques douzaines de gaillardes
Se crêpaient un jour le chignon.
A pied, à cheval, en voiture
Les gendarmes mal inspirés
Vinrent pour tenter l'aventure
D'interrompre l'échauffourée.
Or, sous tous les cieux sans vergogne,
C'est un usag' bien établi,
Dès qu'il s'agit d' rosser les cognes
Tout le mond' se réconcilie.
Ces furies perdant tout' mesure
Se ruèrent sur les guignols,
Et donnèrent je vous l'assure
Un spectacle assez croquignol.
En voyant ces braves pandores
Être à deux doigts de succomber,
Moi, j' bichais car je les adore
Sous la forme de macchabées
De la mansarde où je réside
J'excitais les farouches bras
Des mégères gendarmicides
En criant: "Hip, hip, hip, hourra !"
(burlesque : familier, comique outré, grossier)

4) [Colin explique à Chick le fonctionnement de son « pianocktail ».]
  - Il marche ? demanda Chick.
- Parfaitement. J'ai eu du mal à le mettre au point, mais le résultat dépasse mes espérances. J'ai obtenu à partir de la
Black and Tan Fantasy, un mélange vraiment ahurissant.
- Quel est ton principe ? demanda Chick.
- A chaque note, dit Colin, je fais correspondre un alcool, une liqueur ou un aromate. La pédale forte correspond à l'œuf battu et la pédale faible à la glace. Pour l'eau de Seltz, il faut un trille dans le registre aigu. Les quantités sont en raison directe de la durée : à la quadruple croche équivaut le seizième d'unité, à la noire l'unité, à la ronde la quadruple unité. Lorsque l'on joue un air lent, un système de registre est mis en action, de façon que la dose ne soit pas augmentée - ce qui donnerait un cocktail trop abondant - mais la teneur en alcool. Et, suivant la durée de l'air, on peut, si l'on veut, faire varier la valeur de l'unité, la réduisant, par exemple au centième, pour pouvoir obtenir une boisson tenant compte de toutes les harmonies au moyen d'un réglage latéral.
- C'est compliqué, dit Chick.
(didactique)

5) "Salut, derniers beaux jours ! le deuil de la nature
Convient à la douleur et plaît à mes regards."
(élégiaque)


6)   Encore quatre minutes ! Les oraisons. Le dernier Évangile ! Et ce serait la sortie ! Et il n'y aurait pas eu de crime !
  Car l'avertissement disait bien :
la première messe...La preuve que c'était fini, c'est que le bedeau se levait, pénétrait dans la sacristie...
  La comtesse de Saint-Fiacre avait à nouveau la tête entre les mains. Elle ne bougeait pas. La plupart des autres vieilles étaient aussi rigides.
  «
Ite missa est...»... « La messe est dite »...
  Alors seulement Maigret sentit combien il avait été angoissé. Il s'en était à peine rendu compte. Il poussa un involontaire soupir. Il attendit avec impatience la fin du dernier Évangile, en pensant qu'il allait respirer l'air frais du dehors, voir les gens s'agiter, les entendre parler de choses et d'autres...
  Les vieilles s'éveillaient toutes à la fois. Les pieds remuaient sur les froids carreaux bleus du temple. Une paysanne se dirigea vers la sortie, puis une autre. Le sacristain parut avec un éteignoir, et un filet de fumée bleue remplaça la flamme des bougies.
  Le jour était né. Une lumière grise pénétrait dans la nef en même temps que des courants d'air.
  Il restait trois personnes... Deux... Une chaise remuait... Il ne restait plus que la comtesse, et les nerfs de Maigret se crispèrent d'impatience...
(fantastique)

7) "Je suis triste, et je marche au bord des flots profonds, // Courbé comme celui qui songe."
(élégiaque)

8) A propos de l'esclavage des nègres, Montesquieu écrit :"On ne peut se mettre dans l'esprit que Dieu, qui est un être très sage, ait mis une âme, surtout une âme bonne, dans un corps tout noir."
(ironique)

9) Il n'y a plus de honte maintenant à cela, l'hypocrisie est un vice à la mode, et tous les vices à la mode passent pour vertus. Le personnage d'homme de bien est le meilleur de tous les personnages qu'on puisse jouer aujourd'hui, et la profession d'hypocrite a de merveilleux avantages. C'est un art de qui l'imposture est toujours respectée, et quoiqu'on la découvre, on n'ose rien dire contre elle. Tous les autres vices des hommes sont exposés à la censure, et chacun a la liberté de les attaquer hautement, mais l'hypocrisie est un vice privilégié, qui de sa main ferme la bouche à tout le monde, et jouit en repos d'une impunité souveraine. On lie à force de grimaces une société étroite avec tous les gens du parti; qui en choque un, se les jette tous sur les bras, et ceux que l'on sait même agir de bonne foi là-dessus, et que chacun connaît pour être véritablement touchés […].
(laudatif ou épidictique)

10)  Ô elle dont je dis le nom sacré dans mes marches solitaires et mes rondes autour de la maison où elle dort, et je veille sur son sommeil, et elle ne le sait pas, et je dis son nom aux arbres confidents, et je leur dis, fou des longs cils recourbés, que j'aime et j'aime celle que j'aime, et qui m'aimera, car je l'aime comme nul autre ne saura, et pourquoi ne m'aimerait-elle pas, celle qui peut d'amour aimer un crapaud, et elle m'aimera, m'aimera, m'aimera, la non-pareille m'aimera, et chaque soir j'attendrai tellement l'heure de la revoir et je me ferai beau pour lui plaire, et je me raserai, me raserai de si près, pour lui plaire, et je me baignerai, me baignerai longtemps pour que le temps passe plus vite, et tout le temps penser à elle, et bientôt ce sera l'heure, ô merveille, ô chants dans l'auto qui vers elle me mènera, vers elle qui m'attendra, vers les longs cils étoilés, ô son regard tout à l'heure lorsque j'arriverai, elle sur le seuil m'attendant, élancée et de blanc vêtue, prête et belle pour moi, prête et craignant d'abîmer sa beauté si je tarde, et allant voir sa beauté dans la glace, voir si sa beauté est toujours là et parfaite, et puis revenant sur le seuil et m'attendant en amour, émouvante sur le seuil et sous les roses, ô tendre nuit, ô jeunesse revenue, ô merveille lorsque je serai devant elle, ô son regard, ô notre amour, et elle s'inclinera sur ma main, paysanne devenue, ô merveille de son baiser sur ma main, et elle relèvera la tête et nos regards s'aimeront et nous sourirons de tant nous aimer, toi et moi, et gloire à Dieu.
(lyrique)

11) Gervaise, cependant, se retenait pour ne pas éclater en sanglots. Elle tendait les mains, avec le désir de soulager l'enfant; et, comme le lambeau de drap glissait, elle voulut le rabattre et arranger le lit. Alors, le pauvre petit corps de la mourante apparut. Ah ! Seigneur ! quelle misère et quelle pitié ! Les pierres auraient pleuré. Lalie était toute nue, un reste de camisole aux épaules en guise de chemise; oui, toute nue, et d'une nudité saignante et douloureuse de martyre. Elle n'avait plus de chair, les os trouaient la peau. Sur les côtes, de minces zébrures violettes descendaient jusqu'aux cuisses, les cinglements du fouet imprimés là tout vifs. Une tache livide cerclait le bras gauche, comme si la mâchoire d'un étau avait broyé ce membre si tendre, pas plus gros qu'une allumette. La jambe droite montrait une déchirure mal fermée, quelque mauvais coup rouvert chaque matin en trottant pour faire le ménage. Des pieds à la tête, elle n'était qu'un noir. Oh ! ce massacre de l'enfance, ces lourdes pattes d'homme écrasant cet amour de quiqui, cette abomination de tant de faiblesse râlant sous une pareille croix ! On adore dans les églises des saintes fouettées dont la nudité est moins pauvre.
(pathétique)

12) Je hais les sots qui font les dédaigneux, les impuissants qui crient que notre art et notre littérature meurent de leur belle mort. Ce sont les cerveaux les plus vides, les cœurs les plus secs, les gens enterrés dans le passé, qui feuillettent avec mépris les œuvres vivantes et tout enfiévrées de notre âge, et les déclarent nulles et étroites.
(polémique)

13) "La reine m'aime ! ô Dieu ! c'est bien vrai, c'est moi-même !
Je suis plus que le roi puisque la reine m'aime !
Oh ! cela m'éblouit. Heureux, aimé, vainqueur !"
(lyrique)

14) « C'est alors qu'apparut, tout hérissé de flèches,
   Rouge du flux vermeil de ses blessures fraîches,
   Sous la pourpre flottante et l'airain rutilant,
   Au fracas des buccins qui sonnaient leur fanfare,
   Superbe, maîtrisant son cheval qui s'effare,
   Sur le ciel enflammé, l'Imperator sanglant. »
(épique)

15) A la nuit tombante, la porte à claire-voie est remplacée par une porte pleine. Le jardinet, aussi large que la façade est longue, se trouve encaissé par le mur de la rue et par le mur mitoyen de la maison voisine, le long de laquelle pend un manteau de lierre qui la cache entièrement, et attire les yeux des passants par un effet pittoresque dans Paris. Chacun de ces murs est tapissé d'espaliers et de vignes dont les fructifications grêles et poudreuses sont l'objet des craintes annuelles de madame Vauquer et de ses conversations avec les pensionnaires. Le long de chaque muraille, règne une étroite allée qui mène à un couvert de tilleuls, mot que madame Vauquer, quoique née de Conflans, prononce obstinément tieuille, malgré les observations grammaticales de ses hôtes.
(réaliste)

16) Gervaise, cependant, se retenait pour ne pas éclater en sanglots. Elle tendait les mains, avec le désir de soulager l'enfant; et, comme le lambeau de drap glissait, elle voulut le rabattre et arranger le lit. Alors, le pauvre petit corps de la mourante apparut. Ah ! Seigneur ! Quelle misère et quelle pitié ! Les pierres auraient pleuré. Lalie était toute nue, un reste de camisole aux épaules en guise de chemise; oui, toute nue, et d'une nudité saignante et douloureuse de martyre. Elle n'avait plus de chair, les os trouaient la peau. Sur les côtes, de minces zébrures violettes descendaient jusqu'aux cuisses, les cinglements du fouet imprimés là tout vifs. Une tache livide cerclait le bras gauche, comme si la mâchoire d'un étau avait broyé ce membre si tendre, pas plus gros qu'une allumette. La jambe droite montrait une déchirure mal fermée, quelque mauvais coup rouvert chaque matin en trottant pour faire le ménage. Des pieds à la tête, elle n'était qu'un noir. Oh ! ce massacre de l'enfance, ces lourdes pattes d'homme écrasant cet amour de quiqui, cette abomination de tant de faiblesse râlant sous une pareille croix !
(pathétique)

17) Voici venus les jours du carnaval, les jours où le bétail humain s'amuse par masses, par troupeaux, montrant bien sa bestiale sottise [...].
Quel bonheur stupide peuvent trouver ces gens à aveugler les passants avec du plâtre ? Quelle joie à heurter des coudes, à bousculer ses voisins, à s'agiter, à courir, à crier ainsi sans aucun résultat pour ces fatigues, sans aucune récompense après ces mouvements inutiles et violents ?
Quels plaisirs éprouve-t-on à se réunir si c'est uniquement pour se jeter des saletés à la face ? Pourquoi cette foule est-elle délirante de joie, alors qu'aucune jouissance ne l'attend ? Pourquoi parle-t-on longtemps d'avance de ce jour, et le regrette-t-on lorsqu'il est passé ? Uniquement parce qu'on déchaîne la bête, ce jour-là ! On lui donne liberté comme à un chien que la chaîne des usages, de la politesse, de la civilisation et de la loi tiendrait attaché toute l'année.
(polémique)

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