1) Dans
les extraits des romans Le Dernier jour d'un condamné de Victor
Hugo, La Chartreuse de Parme de Stendhal, Le Comte de
Monte-Cristo de Dumas
et L'Etranger de Camus, chaque texte rend compte des pensées
et sentiments des personnages de différentes manières :
Selon
le statut du narrateur, les pensées sont exprimées différemment :
les extraits des romans de Hugo et Camus sont écrits à la première
personne, le narrateur est donc interne, ce qui permet de se mettre à
la place du personnage. Chez Hugo, on trouve un « je »
qui parle au présent : « j'habite », « je
viens de m'éveiller », on est dans ses pensées les plus
immédiates. Chez Camus, le narrateur interne s'exprime au passé :
« je suis entré », « j'arrachais », ce qui
laisse à penser qu'il raconte sa vie rétrospectivement. On n'est
pas dans ses pensées immédiates mais dans des réflexions livrées
après coup. Au contraire, les narrateurs de La Chartreuse de
Parme et du Comte de Monte-Cristo sont externes : ils
utilisent la troisième personne pour désigner Fabrice et Dantès.
Cependant,
les focalisations sont différentes : le point de vue adopté
dans l'extrait de Stendhal est interne : on voit tout à travers
les yeux du jeune homme. On trouve par exemple une description de ce
qu'il voit précisément par la fenêtre de sa prison. On sait ce
qu'il ressent grâce aux adjectifs « ému » et « ravi ».
A l'inverse, la focalisation est omnisciente dans l'extrait du roman
de Dumas : on sait notamment que le personnage est « simple
et sans éducation », ce qu'il ne peut pas deviner de lui-même.
On connaît par ailleurs ses pensées grâce aux termes « rage »
et « fureur ». Enfin, dans les extraits où le narrateur
est interne, la focalisation est évidemment interne : les
sentiments sont ouvertement déclarés par le narrateur.
Les
pensées et sentiments des personnages sont donc rendus grâce aux
changements de statut du narrateur : interne chez Camus et Hugo,
avec, par conséquent, une focalisation interne ; externe dans
les deux autres extraits, avec une focalisation interne chez
Stendhal, mais omnisciente chez Dumas.
2) Dans
les extraits des romans du corpus, les personnages vivent leur
emprisonnement de différentes manières :
Les
sentiments sont très négatifs chez Hugo et Dumas : Le
narrateur de Le Dernier jour d'un condamné est obsédé par
la pensée de sa mort prochaine, comme en témoigne l'accumulation
d'adjectifs péjoratifs pour désigner cette idée : « une
sanglante, une horrible, une implacable pensée » ; plus
loin, la personnification de cette même idée et sa comparaison avec
un couteau la rend particulièrement terrifiante. Chez Dumas, le
personnage est également obsédé par une idée puisqu'il s'y
« cramponnait », s'y « arrachait ».
Cependant, chez Dantès, ce n'est pas tellement l'horreur qui habite
le détenu, mais plutôt la « rage » et la « fureur »,
dues à l'idée de l'injustice de son sort, de son « bonheur
détruit sans cause apparente ».
De
manière assez surprenante, ce sont des idées positives, voire
exaltées qui habitent les personnages des autres textes :
Frabrice « s'amusait » à regarder à travers la fenêtre
de sa prison, il considère le spectacle « sublime »,
« ravissant », et trouve « des douceurs » à
sa vie en prison. La question rhétorique montre qu'il ne considère
pas emprisonné, au contraire, puisque cette prison le rapproche de
Clélia Conti dont il est amoureux. Le narrateur de L'Etranger
semble moins exalté, mais il admet qu'il « n'étai[t] pas trop
malheureux ». Si « les premiers jours ont été durs »,
ce n'était pas tant à cause de l'emprisonnement qu'à cause du
manque de cigarettes. D'ailleurs, il s'habitue à « ne plus
fumer ». Mieux encore, il se trouve une occupation pour
« tuer » le temps » : ses souvenirs lui
permettent de vivre bien.
Les
personnages vivent donc leur emprisonnement de manière négative
chez Hugo et Dumas, avec la pensée obsédante de la mort chez le
premier et la rage chez le second ; Meursault, le vit finalement
plutôt bien ; quant à Fabrice, il est franchement heureux
d'être en prison, non loin de sa bien-aimée.
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