LA
n° 3 : La mise en place de la Solution Finale
pp.
270-274, de « J'apportai immédiatement une amélioration
notable » à « pour les savants nationaux-socialistes ».
Rudolf
a reçu des ordres du Fürher pour pratiquer la Solution Finale (p.
249 à 252). Rudolf n'envisage que l'aspect technique de cet ordre
(p.251) et met tout en oeuvre pour y parvenir. Il va visiter le camp
de Treblinka pour observer la manière de procéder du Capitaine
Schmolde puis installe une station expérimentale dans deux fermes
désaffectées. L'extrait étudié évoque les questions que se pose
Rudolf sur son travail.
Montrer
que derrière un discours très rationnel se cache un abominable
dessein.
- Un personnage scrupuleux dans son travail
- Enoncé des problèmes et recherche de solutions
- Trois occurrences du terme « problème » l. 18, 77, 88 + des synonymes ou des détails sur ces problèmes : « difficulté majeure » l.32, « ennuis » l.17, « inconvénients » l.90
- Liste de ces problèmes :
- les révoltes des prisonniers lorsqu'on les fait entrer dans les bâtiments où ils vont mourir ("révoltes" l.17, "service d'ordre compliqué" l.87, "révoltes simultanées l.88, "résistaer à l'assaut" l.102)
- manque de gaz asphyxiants, d'où lenteur de la mort, voire mort ratée (« procédé plus rapide et plus sûr » l.21)
- pannes mécaniques et manque d'essence pour les camions : accumulation des problèmes l.72-73
- pertes de temps, problème répété à de nombreuses reprises : abondant C.L du temps ("immédiatement", "gain de temps", "demandait du temps"...)
- Trouver un système d'aération
- Pallier le manque de place pour les « détenus »
- maintenir le secret sur l'opération : formule hyperbolique ("secret absolu") l.118
- liste des solutions et résultat :
- rassurer les prisonniers en leur faisant croire qu'ils vont se laver (C.L du décor), qu'ils auront du café chaud, plaisanter avec eux = évite les révoltes.
- Demander des stocks de gaz asphyxiants au Fürher =>; refus de la SS qui ne veut pas attirer l'attention
- utiliser du Cyclon B = « gain de temps » et gain d'argent (on tue 2000 personnes au lieu de 200, soit une multiplication par dix...) : antithèse "dix minutes" / "une demi-heure" l.69/71
- construire une salle unique et souterraine, pour tout un convoi
- isoler le « kommando spécial des SS et le Kommando spécial des détenus » du reste du camp => gain de temps, maintien du secret
- construire une voie ferrée jusqu'aux portes de la salle => gain de temps, maintien du secret
- Emploi d'un vocabulaire technique et précis
Rudolf observe d'abord à "Treblinka" l.2, puis apporte des "amélioration" l.1et enfin mène des expériences (l.67).
- très nombreux termes quantitatifs : « un kilo » l.44, , « nombre de 200 » l.57, « 2000 » l.85, « faible quantité » l.82, « médiocre contenance » l.81, « nombre requis » l.93
- des termes scientifiques : « procédé » l.86, « résultat de l'expérience » l.67, « diamètre » l.55, « fractionner » l.84
- des préoccupations essentiellement économiques : Rudolf Lang parle d' « efficacité » l.14, de « productivité » l.92, d' « amélioration » l.1; il calcule des coût : « ne coûtait que 3 marks 50 » l.76 et cherche avant tout à « éviter des pertes de temps » l.22 : « gain de temps » l.69, « plus rapide » l.21 => il semble obnubilé par ce temps qui lui manque.
- Il réfléchit beaucoup : « je cherchais » l.20, « j'en conclus » l.51, « en y réfléchissant » l.101, "idée" l21, "à la réflexion" l.108 et de nombreux « je compris » l.77, 97, 119
- Ses idées s'enchaînent logiquement, comme en témoignent les nombreux connecteurs logiques « en conséquence » l.16, « puisque » l.70, « du même coup » l.78, « en effet » l.79, « car » l.83, « il découlait de là que » l.104, « par ailleurs... enfin » l.70 à 75.
- Le texte est d'ailleurs rédigé comme un rapport, les phrases sont courtes, factuelles, claires. Les verbes sont majoritairement des verbes d'action ("installer", "inscrire", fonctionner"...)
- Le discours d'un dirigeant qui devient mégalomane
- Rudolf a conscience de sa responsabilité, se montre en homme de décision : « je donnais l'ordre » l.63 + d'innombrables formules de type « faire + infinitif » (« je fis mettre », « je fis inscrire », « je fis procéder »...) qui montrent son pouvoir.
- Rudolf Lang n'exprime ses sentiments que pour manifester son contentement d'avoir trouvé des solutions à ses problèmes : il évoque le « hasard providentiel », l.32, or le terme « Providence » désigne le gouvernement de Dieu sur sa création. Mais il est bien évident que la Providence n'a rien à voir là-dedans ! Il s'agit presque d'un oxymore.
- Il est obéissant et prend son devoir très à coeur : non seulement il ne trouve rien à redire à ce que lui demande Himmler, mais il le fait « immédiatement » (répété 3 fois, l.1, 13, 53), « fiévreusement »l.20, « la tâche historique qui m'incombait » l.98. Il dit de la découverte du cyclon B qu'il « dépassait [s]on espoir » l.67 et trouve toute cette idée « grisante » l.126. Il se laisse emporter (seule émotion exprimée dans ce passage) par la joie de répondre aux attentes des chefs.
- Même plus, il rêve de grandeur : nombreuses hyperboles en fin de texte : « voir grand » l.100, devient mégalomane en fin d'extrait, lorsqu'il imagine une « superstructure », une « salle de dimensions […] grandioses » l.96, des « gigantesques installations », « immenses » + accumulation de termes au pluriel => foisonnement d'idées, pour la gloire du parti, pour sa religion.
TR
: Rudolf Lang est donc tellement obéissant qu'il prend son
devoir à coeur, s'y plonge avec zèle, calcule et pèse les moindres
détails, sans sembler s'apercevoir un seul instant que ce qu'il fait
est ignoble.
- En réalité, une atroce réflexion macabre
- En réalité, les solutions envisagées sont d'un cynisme atroce :
- Tout un lexique du mensonge et de l'hypocrisie est utilisé : « trompe-l'oeil » l.4, « donner l'impression » l.5, un « décor » l.110 ; il demande même à l'officier de faire semblant de plaisanter avec les prisonniers et de leur laisser croire qu'un café chaud les attend après la douche = cynisme absolu !
- Noter l'ambiguïté de la pancarte « salle de désinfection » : faire croire aux Juifs qu'ils vont être nettoyés, alors que la saleté, la vermine, pour les Nazis, ce sont eux.
- R.L. (et ses supérieurs) maintient un secret absolu sur cette opération, preuve qu'il la sait immorale : « sans éveiller la curiosité » l.29, « étouffer leurs cris » l.104, « soigneusement isolés du reste du camp » l.115, « secret absolu » l.118, « cacher le contenu des trains à la population » l.122.
- Rudolf semble avoir pleinement conscience du tourment qui attend ses prisonniers, puisqu'il finit par les désigner par le terme de « patients »l.110 [en médecine, le patient est celui qui va subir un traitement ; littéralement, le patient est celui qui subit ou va subir un supplice, il vient du latin patere = souffrir]. Il les désigne dans le même passage par le terme de « victimes » l.104 [à l'origine, la victime est la créature humaine qu'on offre aux dieux ; ici, on en vient à penser que pour Rudolf, le nazisme est une religion, dans laquelle il offrirait des victimes aux dieux (les chefs du parti) ; d'ailleurs, le terme « Holocauste » désigne tout aussi bien l'extermination des Juifs par les nazis (équivalent de Shoah), que le sacrifice religieux chez les Juifs.]
- Une inhumanité terrifiante
- Il est presque toujours le sujet de verbes concrets, comme s'il ne pouvait pas prendre de recul par rapport à la réalité; il est englué dans le matériel, ne juge jamais ce qu'il fait ou ce qu'il doit faire, il ne fait que décrire une succession d'actions mécanisées : « installer » l.3, « fonctionner » l.13, « procéder » l.36, « percer » l.54...
- Dans la manière dont il désigne les prisonniers, il semble passer d'une prise en compte de leur caractère humain à leur chosification (= il les considère comme des objets). Au début de l'extrait, il les appelle « détenus » (l.5, 8, 14), « prisonniers », ce qui montre encore un semblant d'humanité; ensuite, ce sont les « inaptes » (l.56, 85), puis les « unités » l.85.
- Il n'est fait à aucun moment mention d'empathie ou même de prise en compte de la souffrance de l'autre. Si on rassure les prisonniers, ce n'est pas pour leur éviter la souffrance mais uniquement pour gagner du temps en évitant des révoltes. Le narrateur est bien interne, mais très curieusement, la focalisation est externe, comme si Rudolf était dépourvu de conscience.
- La mort de milliers d'êtres humains comme unique objectif
- Tout un champ lexical de la propreté peut métaphoriser « l'épuration », le génocide des juifs : « désinfection » l.3, « se laver » l.6, « grand nettoyage » l.36, « débarrasser de leur vermine » l.43.
- La mort est présente partout entre les lignes, et pourtant, on ne trouve que peu de références explicites à celle-ci : « gaz asphyxiant » l.24, « dangereux pour l'homme » l.51, « liquider » l.68, « gazage » l.106. Comme si Rudolf Lang faisait tout pour évacuer l'unique objectif de toute cette installation.
- Quelques lignes racontées de manière horriblement apathique, pour évoquer la mort violente des victimes, l.59 à 66 + 103-104 : tout passe par l'ouïe, la mort est donc suggérée, ce qui la rend d' autant plus atroce : « hurlements », « résonnèrent », « cris ». Le volume sonore est proportionnel à l'attaque de la mort, jusqu'au « silence total ». On imagine l'ignominie de cette mort, sa violence, d'ailleurs exprimée : « violents » l.60, puis 61.
- Le terme « mort » n'apparaît qu'une seule fois dans tout l'extrait, l. 66, mais à l'intérieur d'une phrase d'une simplicité terrible (« La mort avait fait son oeuvre » : sujet + verbe + complément) => elle est même sujet de la phrase, en allégorie, comme si R.L. se déchargeait de toute responsabilité au moment ultime.
- La souffrance et la torture sont suggérées mais jamais énoncées clairement : les victimes meurent par asphyxie, comme le suggère le qualificatif « asphyxiant » l.25 les « hurlements » et les « coups violents » (l.59-60) ou les « assauts désespérés » (l.104) témoignent de la souffrance des gazés + l'abominable dernière phrase : référence aux expériences menées par les médecins nazis, les « savants » (se rappeler que Rudolf considère le Dr Vogel comme un « grand savant », sur la stérilisation des femmes, les dissections de cadavres ou même de vivants...
Cl)
Un homme tellement pris dans son devoir et des exigences de rendement
qu'il en perd toute réflexion morale. Il est englué dans le
concrêt, dans l'efficacité, et en oubli toute humanité. Cela ne
fait que réaliser la prophétie du directeur de la prison (p.185) :
« vous êtes un homme dangereux ».
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