mercredi 22 octobre 2014

1ère ES / L : corrigé de la question sur le corpus (regard porté sur le monde)

Pour les curieux, un exemple de corrigé pour le devoir : 

Question sur le corpus : « Dans quelle mesure le regard que les personnages portent sur le monde révèle-t-il leur état d'âme ? »

              Dans les extraits des romans de La Chartreuse de Parme de Stendhal, Madame Bovary de Flaubert, L'Assommoir d'Emile Zola et A l'ombre des jeunes filles en fleurs de Marcel Proust, les personnages portent sur le monde un regard révélateur de leur état d'âme.

                 Tout d'abord, chacun des personnages regarde à travers une fenêtre, et c'est grâce à une focalisation interne que l'on accède à leurs pensées. Seul le narrateur de La Recherche1 est interne, ce qui nous place d'emblée dans la peau du personnage.
                  Le regard est émerveillé et traduit une sensibilité esthétique dans les extraits de Stendhal et de Proust, montrant par là des esprits heureux et enthousiastes. En effet, Fabrice del Dongo, épris de Clélia Conti, voit le monde à travers le prisme de cet état amoureux : tout lui paraît «joli» ; le palais, les cages à oiseaux, la lune et l'horizon sont décrits par un vaste champ lexical de la beauté, faisant oublier au personnage qu'il se trouve en prison. Les couleurs du crépuscule lui font penser à la femme aimée : « elle doit jouir de cette vue », rendant plus cher encore ce « spectacle sublime ». Exactement de la même manière, le narrateur de La Recherche admire un levé de soleil, et transforme ce spectacle banal en un « tableau continu » : pris dans sa quête d'émotion esthétique et dans sa recherche d'un sens au monde, il court « d'une fenêtre à l'autre » pour fixer les couleurs qui lui paraissent « en rapport avec l'existence profonde de la nature ». Ainsi, des personnages amoureux ou curieux de la vie semblent-ils émerveillés par ce qui les entoure.
                  A l'inverse, les deux personnages féminins du corpus appréhendent le monde de manière plus négative. C'est une Emma mélancolique qui regarde le soir tomber devant sa fenêtre : les « sinuosités  vagabondes » et les contours estompés des peupliers dans des teintes incertaines traduisent sa morosité. Les « barreaux » de la tonnelle laissent supposer son impression d'enfermement. Et c'est pour échapper à ce sentiment oppressant qu'elle se coupe du monde ; entraînée par la « lamentation » de la cloche, elle « s'égar[e] dans ses vieux souvenirs » de jeunesse pieuse, allant jusqu'à revivre l'« attendrissement » mystique de ses années de couvent. Au contraire, Gervaise se laisse happer par son environnement hostile, à tel point qu'elle prend parfois le « risque de tomber » : terrifiée à l'idée que son amant ne rentre pas, elle semble projeter sa peur dans toute sa vision du quartier. Le champ lexical de la mort occupe une grande partie de l'extrait, du suggestif « rouge lie de vin », au « flot ininterrompu d'hommes » évoquant une hémorragie, en passant par les terribles « cris d'assassinés » ou la vision du « corps de Lantier, le ventre troué de coups de couteau ». Son regard n'a plus rien d'objectif, il est teinté par la douleur. Gervaise et Emma vivent donc toutes deux dans des univers pesants, mais alors que la première s'y noie, la seconde tente de s'en échapper.

               C'est donc la vision que les personnages portent sur le monde qui traduit leur état d'esprit : un beau paysage coloré manifeste la joie et l'exaltation ; un lieu clos ou menaçant suggère plutôt le désarroi.

1 : A l'ombre des jeunes filles en fleurs constitue le deuxième tome d'une œuvre intitulée A la Recherche du temps perdu, plus brièvement appelé La Recherche.

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