vendredi 24 octobre 2014

1ères L : Correction de la question sur le corpus (Education humaniste)

Quel programme d'études humanistes ces trois extraits proposent-ils ?                 

                Le traité d'Erasme, De l'éducation des enfants, la lettre de Gargantua à son fils Pantagruel dans le roman éponyme, et le chapitre « De l'éducation des enfants », tiré des Essais de Montaigne, proposent tous un programme d'études humanistes.

               Selon les auteurs, le contenu des apprentissages acquière des valeur différentes. Erasme et Montaigne insistent moins lourdement que Rabelais sur les disciplines enseignées : Erasme évoque principalement la « pratique des langues », que l'on peut supposer être les langues anciennes, et la « connaissance de la langue » française, c'est-à-dire la « richesse de l'expression ». Il donne des exemples de textes à faire étudier : les fables, poème bucolique et comédies. Montaigne, lui, n'entre pas dans le détail des disciplines, preuve qu'elles comptent bien peu dans l'enseignement idéal selon lui. S'il évoque « la science », c'est uniquement pour affirmer qu'elle a moins de valeur que l'intelligence. Tout au contraire, Rabelais, à travers Gargantua, accorde une importance primordiale au contenu disciplinaire : il égraine une longue liste de matières à connaître « par coeur », matières qui embrassent des domaines aussi vastes que l'art, les mathématiques et les sciences appliquées, ou encore les lettres et le droit ; mais ce qui l'emporte par-dessous tout, c'est la connaissance des « Saintes Ecritures ». Ainsi, Pantagruel deviendra un « abîme de sciences ». Des trois auteurs, c'est bien Rabelais qui souhaite inculquer le plus de connaissances possibles à l'élève.
                  Notons cependant que tous trois sont d'accord pour ériger les Antiques comme des modèles d'instruction : Erasme prône la lecture d'Esope ou celle d'Homère, Gargantua souhaite que son pupille imite Platon ou Cicéron, et Montaigne prend Socrate et Platon en exemple. Le retour aux sources antiques est un des points de convergence des Humanistes.
                 Systématiquement, cette référence antique a pour objet l'enseignement de la morale - ou de la philosophie, ce qui revient au même chez ces auteurs, comme le souligne Erasme dans sa formule « philosophie morale ». Car cet enseignement est, de tous, le plus important aux yeux des Humanistes. Rabelais et Montaigne se rejoignent dans les sentences bien connues : « science sans conscience n'est que ruine de l'âme » et « plutôt la tête bien faite que bien pleine ». Ils soulignent par là l'inutilité de l'apprentissage pur, si celui-ci n'est pas au service de Dieu ou de l'intelligence. Erasme n'est pas en reste dans cette conception de l'éducation, puisque pour lui, la « formation du jugement » tient une part aussi importante que la connaissance de la langue. Il répète le terme « philosophie » à quatre reprises, preuve de la valeur qu'il accorde à la réflexion. C'est cependant chez Rabelais que la morale et la religion prennent le plus d'importance : tout apprentissage et toute philosophie n'ont de sens qu'en Dieu, selon lui. La réflexion et l'intelligence sont bien exigées dans ces trois systèmes, mais leur coloration religieuse n'est pas partout la même vivacité.
             C'est la méthode d'éducation qui différencie notablement ces théories : alors que Rabelais insiste sur la mémorisation, la répétition, l'imitation, Montaigne privilégie nettement l'apprentissage par la curiosité de l'élève : c'est lui qui «goût[e] les choses » et les « choisi[t], grâce à un précepteur à son écoute, qui sache le « mettre sur la piste » ; il ne s'agit plus, comme chez Rabelais, d'apprendre « par coeur », mais de comprendre les leçons, de « dire leur sens », et même plus, de les éprouver de mille manières ou « en cent formes », dans la vie. Erasme se situe à mi-chemin de ces deux conceptions opposées de l'apprentissage : pour lui, les textes de réflexion proposés aux enfants doivent être « séduisants », passer par le « rire et la fantaisie ». L'élève est à la fois passif, au sens où les textes lui sont fournis, et actifs, puisqu'il en retire des enseignements moraux et « mille faits instructifs » qu'il intègre dans le plaisir et la joie. A la liberté de l'enfant chez Montaigne répond l'exigence de savoir chez Rabelais, entre lesquels s'intercale le plaisir d'apprendre des préceptes chez Erasme.

                Ainsi, si ces trois auteurs se rejoignent sur un apprentissage varié et ouvert sur le monde, avec notamment l'introduction, nouvelle à la Renaissance, de la réflexion personnelle de l'élèves, ils divergent quant à la méthode d'enseignement : ludique chez Erasme, basée sur le par cœur chez Rabelais, elle fait la part belle à la curiosité et la personnalité de l'enfant chez Montaigne.

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