Cette
scène d'exposition remplit bien ses fonctions, puisque grâce à la
double énonciation, le spectateur connaît les éléments
indispensables pour suivre l'intrigue. Pour commencer, le cadre
spatio-temporel est donné dès le début de la scène, par Hippolyte
qui informe Théramène de son départ « de l’aimable
Trézène », ville antique du Péloponèse. On apprend par
ailleurs les liens familiaux et les fonctions sociales des
personnages : d'abord, Hippolyte étant le fils de Thésée, lui-même
« Roi » d'Athènes ; ensuite, Phèdre, sa « marâtre »,
donc épouse de Thésée, est désignée par la périphrase « fille
de Minos et de Pasiphae », ce qui souligne ses origines à la
fois divines et maudites : on se rappelle les amours monstrueuses de
sa mère avec un taureau. Enfin, Aricie est citée par Hippolyte,
comme faisant partie de la famille des « cruels Pallantides »,
famille ennemie du trône, et pourtant, Téramène semble
l'apprécier, comme en témoigne l'adjectif « aimable »
utilisé pour la qualifier. Le rappel de ces différentes relations
entre les protagonistes traduit également leur personnalité et leur
passé : Thésée est dépeint par Théramène comme un séducteur
invétéré, cachant « de nouvelles amours », alors
qu'Hippolyte prend la défense de son père, désigné comme « une
tête si chère », l'évoquant comme un homme droit, désormais
bien loin « de ses jeunes erreurs ». Phèdre, elle, est
présentée dans un portrait peu flatteur : le suffixe péjoratif
« âtre » du nom « marâtre », associé à
tout un lexique hostile marque un conflit ancien entre elle et
Hippolyte. La Reine y apparaît comme une femme remplie de « haine »
envers son beau-fils, l'ayant même exilé pour ne plus avoir à
supporter sa vue. Cependant, Théramène rappelle que cette femme,
« mourante », n'est plus que l'ombre d'elle même, elle
« cherche à mourir » pour des raisons « qu'elle
s'obstine à taire ». D'ailleurs, tout un champ lexical de la
mort, associé à celui de la divinité tisse le registre tragique :
« les dieux » et « la fatalité » sont liés
contre « le destin » des hommes. L'intérêt du
spectateur est donc éveillé et tous les fils de l'intrigue sont mis
en place : Pourquoi Phèdre attend-elle la mort ? Où est passé
Thésée, disparu « depuis plus de six mois » ?
Hippolyte, enfin, suggère dans une litote qu'il est amoureux de
l'inaccessible Aricie : cet amour pourra-t-il voir le jour ? Cette
scène d'exposition a donc enclenché tous les rouages de la
tragédie, elle a su délivrer les informations utiles pour avoir
envie d'en savoir plus sur les personnages, tout en esquissant les
grands thèmes de la pièce : amour, mort et fatalité.
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