mardi 9 décembre 2014

Gargantua, L.A n°3 : l'Abbaye de Thélème

L.A n°3  : L'abbaye de Thélème
Problématiques possibles :
- en quoi ce texte est-il un apologue défendant des idées humanistes ?
- Pourquoi peut-on dire cde cet extrait qu'il ressemble à un silène ?
- Montrer que derrière une utopie attractive se cahe une critique de la société

  1. Une utopie
    A. L'irréalité : 
  • imprécision des personnages, toujours désignés par la P6 => aucune individualité.
  • Pas de temps précis ; imparfait = pas d'actions, pas de récit en tant que tel, habitudes ; le temps n'a pas de prise sur les sentiments (contrairement à la sentence de Gargantua, selon la quelle « le temps […] ronge et amoindrit toute chose » : « ils s'aimaient tout autant à la fin de leur vie qu'au premier jour des noces ».
  • Lieu imprécis (mais au chap. 52 : à deux lieux de la grande forêt de Port-Huault)
  • Qualité des habitants :
    • aristocrates (« bien nés ») d'où comportement aristocratique, ou noble.
    • « libres, bien nés, bien formés » = rythme ternaire, ample + répétition de l'adverbe intensif « bien ».
    • utilisation de termes de beauté dans la description des « dames » et des « hommes » : « belles », « fringant », « joliment » l.22-23. (beauté humaine = reflet de la perfection divine selon les idées néo-platoniciennes de la Renaissance).
    • répétition de l'intensif et hyperbolique « si » l.29 à 32, accompagnant d'autres termes mélioratifs : « preux », « élégants », « habiles » pour les hommes ; « élégantes », « mignonnes », pour les femmes.
    • Termes de chevalerie, donc d'idéal courtois : « chevaliers », « dames » + maniement des armes ou de l'aiguille.
     B. Absence de règles, liberté totale : 
  • Une règle paradoxale : impératif (« fais ») + complétive en opposition à l'idée même de règle = liberté totale => règle de l'abbaye = absence de règle !
  • Champs lexical de la liberté
  • La liberté à l'origine de tout le bien : « parce que les gens libres » l.9 + « grâce à cette liberté » l.17 + « si on les avait laissés libres » l.14 => expressions causales toujours suivies des mêmes effets : la vertu

   C. L'harmonie parfaite
  • Règne de l'harmonie :
    • « émulation » l.18
    • parallélisme de construction : « si l'un...tous... ; si on …tous... ; si on … tous... » + reprise des mêmes verbes conjugués au pluriel.
    • « tous » => « un seul » ; « l'un ou l'une » => « tous » ; « on » => « tous » x2 ;
    • « les dames », « les hommes » => déterminant défini pluriel = indistinction, harmonie.,
    • Règne de la vertu :
      • C.L de la vertu : « honneur », « vertu », « noble ardeur », « louable », « noblement », l.26, « preux » l.30, « digne » l.34
      • institution du mariage l.41
  • Bonheur des habitants :
    • besoins du corps satisfaits (buvaient, mangeaient, dormaient)
    • « plaire » l.18, « jouons », « amuser », « chasser » = C.L. du plaisir
    • C.L de l'amour : « affection », « amitié », « mariage », « s'aimaient ».

II. Le message sous-jacent
    A. Une critique de la société
     
    1. condamnation de toute forme d'autorité, remise en cause de l'ordre établi
      • C.L de la contrainte en contrepoint de la liberté
      • à ce C.L est associé un lexique péjoratif : « joug », « servitude » « vile », en antithèse avec le lexique mélioratif caractérisant la liberté.

    2. parodie religieuse
      • Aucune mention à la religion, à la prière, ni même à Dieu (quoique... « thelema en grec signifie « volonté, désir, pulsion », mais dans l'évangile selon St Mathieu, que Rabelais connaît parfaitement, il signifie « volonté de Dieu »...).
      • Mixité qui aboutit aux mariages (contre le vœu de chasteté des moines)
      • Contrairement à la vie des moines, rythmée par les contraintes horaires, ici, aucun impératif : répétition du subordonnant temporel dans :« quand bon leur semblait » l.3, « quand le désir leur en venait » l.4.
      • Critique des règles strictes et dénuées de sens des monastères (parodie des règles monastiques à travers la règle : « Fais ce que tu voudras » // règle édictée par Saint Augustin, le Père du Christianisme occidental : « Aime (sous-entendu Dieu) et fais ce que tu voudras ») = contre le vœu d'obéissance que font les moines.
      • Possibilité de sortir du monastère, comme si le monastère n'était qu'une étape dans la vie des jeunes nobles : emploi du temporel « quand » et non pas de l'hypothétique « si » (« quand le temps était venu » ) + quasi oxymore à cette époque :« quitter l'abbaye » avec la bénédiction des parents (« à la demande de ses parents »)
      • Plutôt qu'une parodie religieuse, c'est surtout une parodie des monastères et de la vie monastique. Rabelais reste résolument attaché à Dieu, et cette abbaye de Thélème semble être un idéal d'abbaye augustinienne (autrement dit... du protestantisme?).
          
        B. Les idées humanistes :
  1. foi en la nature humaine
    • « naturellement » honneur et vertu (caractère inné du Bien chez l'homme).
    • Antithèse « les pousse à la vertu et les éloigne du vice » l.11-12
    • Entre le Bien et le Mal, l'homme tend naturellement à choisir le Bien ; sous la contrainte et le joug, il cherchera à se libérer (non pas à faire le mal!).

  2. importance de l'éducation, de l'esprit, de la culture
    • l'éducation et la culture de l'esprit amènent les hommes à s'améliorer moralement : l.26 à 35 : énumération « lire, écrire, chanter, jouer d'un instrument de musique, parler cinq ou six langues, etc. » // quantité de savoirs que Pantagruel entend faire délivrer à Gargantua (cf. la lettre de Pantagruel à gargantua)
    • le corps n'est pas en reste, comme on le sait : amusements aux champs, chasse, hommes « habiles à pied et à cheval » + sachant manier les armes ; femmes « adroites de leurs mains » et « habiles ».
    • Le savoir et l'éducation accentuent la noblesse de l'homme.


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