dimanche 13 novembre 2016

Oedipe, L.A n°3, Oedipe Roi de D. Lamaison

I. Un incipit qui ancre le récit dans le mal et le malheur

A) Une histoire entre fiction et réalité, une histoire universelle
À l'époque mythique de l'Âge d'Or, l.1
Formule d'entrée de contes ou de mythes (voir Ovide, Les Métamorphoses : « Le premier âge fut l’âge d’or où, de lui-même, sans lois et sans contrainte, l’homme observait la justice et la vertu. On ne connaissait alors ni les supplices ni la crainte des supplices »)
Ouverture paradoxale : commence comme un mythe, tout en niant la réalité de ce qui est rapporté avec l'adjectif « mythique ».
Dit-on, l.2
On doutait même que pareille époque eût jamais existé l.10-11
Pronom indéfini vague (qui est ce « on » ?)
Mise en doute de ce qui est énoncé, de l'existence de l'Âge d'Or.
Mais l.9
adversatif
Prend le contre-pied de ce qui vient d'être dit : pour indiquer que le récit qui va être fait relève, lui, de la réalité la plus noire, et non pas de la fiction, du mythe.
Histoire, racontons, théâtre l.9-12
Lexique du récit de faits (fictifs ou réels)
Discrète référence au théâtre de Sophocle, dont s'inspire l'auteur pour écrire ce roman. Maintient une ambiguïté sur la réalité ou pas de cette histoire.
Ici l.9
Adverbe de lieu
En opposition à « l'Âge d'Or » : cette histoire est donc à lire comme un anti Âge d'Or
À Thèbes l.11
Nom propre
Ville réelle, lieu précis, par opposition au vague « Âge d'Or » : l'histoire semble réelle.
La Béotie, la Grèce, Péloponnèse, Attique, Delphes
Noms propres géographiques
Situe la ville dans un lieu réel, ce qui contribue à amplifier l'illusion de réalité.
Thèbes l.11, enceinte l.13, faubourg et basse ville l.14, citadelle l.15, tout en haut l.15, acropole l.16
Isotopie de la ville
(acropole = quartier situé sur la partie la plus haute d'une ville)
Mise en place de la structure de la ville ; précision du cadre spatial → effet de réalité
En cette époque troublée l.24
Cadre spatial vague
On ignore quand ça se passe : universalité de l'histoire qui pourrait se passer à toute époque → universalité de cette histoire.
Le malheur de l'homme l.25
Articles singuliers pour désigner des éléments pluriels
Généralisation, universalité du malheur → universalité de cette histoire.
Au deuxième jour de février l.36
Indice temporel à la fois précis et vague (quelle année, quelle époque?)
Universalité de l'histoire.


B) Thèbes, la ville du mal et du malheur
Ne...pas tout au long du paragraphe l.1 à 8
Suite de propositions à la forme négative
Les négations dessinent en creux ce qui est à l'époque du récit : l'inverse de l'Âge d'Or, c-a-d un monde plein de cruauté, de vol, de crimes.
- Ciel, bêtes, frères humains l.4-5-7
- mentaient, volaient, tuaient l.7-8
Gradations dans les dangers ou les maux des hommes
Comme si le monde n'avait cessé d'empirer au fil du temps.
Les portes l.2
métaphore
Représentent la protection contre les maux des hommes : à l'époque de l'Âge d'Or, puisqu'il n'y a pas de mal, il n'y a pas de portes de protection.
Passait, doutait, s'étaient multipliées
Imparfait et plus que parfait
Temps de la description au passé : correspond à la situation initiale, on plante le décor.
Les portes répété 5 fois l.13 à 16
répétition
Insistance sur le nombre de portes ; or on a vu que la porte était une métaphore → on en conclut que le mal s'est propagé.
Portes bavardes l.12-13, portes sévères l.15, portes majestueuses l.16
hypallage
Les portes sont dotées de qualificatifs humains : elles représentent les habitants de Thèbes
Thèbes elle-même […] était une porte l.18-19
métaphore
Thèbes est le lieu où se décide le mal, où on le laisse entrer ou, au contraire, où on le tient à distance.
Reliefs barbares l.20, Soleil Couchant l.22 / le sud riant l.20, Soleil Levant l.21
antithèses
Idem que précédemment : Thèbes se trouve à la jonction d'un choix à faire ou d'un destin qui s'effectue : soit on va ver le sud, soit on va vers le nord.
Tout ce qui l.24
Globalisant
Globalise l'ensemble des malheurs, sans aucune exception → effet d'insistance, voire hyperbolisation du malheur
l.26 à 28
Accumulation de différents maux
Effet d'insistance sur le malheur de Thèbes
Portes battantes l.25-26
métaphore
Thèbes semble ouverte au mal, elle ne fait rien pour fermer les portes qui pourraient la préserver. Culpabilité des habitants.
Le crime, même l.28
Phrase non verbale en clôture de paragraphe
Effet d'insistance sur le mot « crime », renforcé par l'adverbe « même » → Thèbes apparaît comme la capitale du mal.
À jamais l.29, condamnée l.29-30
Lexique du mal, de la damnation éternelle
La situation initiale présente une ville imprégnée par le mal, sans aucun espoir d'amélioration, comme si les Thébains eux-mêmes avaient renoncé au Bien.
Chétives l.33, n'ont pas la force l.34
Lexique de la faiblesse + personnification
Symbolise peut-être les Thébains qui n'ont pas la force de s'extraire du malheur qui les frappe.

C) Les Thébains enfermés dans leur peur de l'autre
Théâtre l.12

Lieu clos, enfermant Thèbes dans une sorte de huis-clos oppressant.
Enceinte l.13
(analyse lexicale)
Ville close, enfermée sur elle-même.
le malheur de l'homme courait l.25
Personnification du malheur
Sous-entend que l'homme est le seul responsable de son malheur ; idée de grouillement, de rapidité de la contagion du mal.
Déjà l.40
Adverbe de temps
Insiste sur l'empressement des Thébains à s'enfermer sur eux, à s'idoler.
« On » l.40 et « monde extérieur » l.41
Opposition
Exprime l'enfermement des Thébains sur eux-mêmes
Se terraient l.41
Animalisation, métaphore
Renforce l'idée de peur primitive, ou de manque d'ouverture, de manque d'humanité des Thébains
Leur angoisse l.42
Déterminant possessif
L'angoisse est fabriquée par les Thébains eux-mêmes (voir la différence avec « l'angoisse «  qui n'a pas le même effet) : responsabilité des Thébains dans leur malheur.
L'avait conduit l.45, l'avaient accueilli l.46-47

Politesse froide et ritualisée (« selon le rituel) des Thébains
Souvent interrogé l.47
Adverbe de fréquence
Curiosité des Thébains qui n'ont pas l'habitude de voir des étrangers arriver chez eux.
D'où venait-il ? l.52-53
Où allait-il ? l.55
Comment s'appelait-il ? l.57
Discours indirect libre
Suite de questions posée à la fois par le narrateur et par les habitants : prouve la curiosité des Thébains et la tentative d'éclaircissement du mystère du personnage de la part du narrateur.
L'étranger l.62, visiteurs l.64
Lexique de l'altérité
Insiste sur le fait qu'Oedipe n'ait pas la même origine que les Thébains, donc suscite la méfiance.
Épreuve l.63 en parallèle avec « accueilli, selon le rituel » l.47
paradoxe
L'accueil des visiteurs consiste en une épreuve mortelle… étrange accueil. Souligne la méfiance des Thébains à l'égard de tout ce qui vient de l'extérieur.


II. Oedipe, un personnage mystérieux

A) Une entrée en scène à la fois discrète et tonitruante
Une seule porte l.29
Adjectif antéposé
Mise en valeur de la porte, comme une focalisation sur elle (effet de zoom).
Espérance l.30
Allégorisation de l'espérance avec la majuscule
Sous-entend que l'espérance pourrait être incarnée en une personne.
Brume l.36, brouillait l.37
Jeu sur les sonorités + lexique du flou
Symbolise la peur [brrr] dans lequel vivent les Thébains = ambiance fantastique (mystère + peur)
Or, un soir l.31
Connecteur temporel en rupture avec la situation initiale 
Elément déclencheur introduit par l'entrée en scène d'Oedipe → attire l'attention sur lui.
S'ouvrit l.31, entra l.32
Passé simple
Idem : on passe de l'imparfait de la situation initiale au passé simple du début de l'action, grâce à Oedipe.
Cette porte s'ouvrit l.31
-Déterminant anaphorique (= qui reprend un élément déjà évoqué dans le texte)
-antithèse
La focalisation sur la porte de l'Espérance se poursuit, de manière surprenante puisque « s'ouvrit » s'oppose à « condamnée » → effet d'attente : quel individu incarne l'Espérance ? Quel individu est assez fort pour ouvrir une porte condamnée ?
Aucun habitant […] ne se souvenait l.38
négation
Registre fantastique, en tout cas ambiance de mystère : le souvenir est comme effacé. Annonce la passé trouble à la fois des Thébains et d'Oedipe lui-même. On tente d'oublier ou d'effacer le passé.
Il l.43
Pronom personnel
L'homme est toujours mystérieux (on ignore qui il est), mais il gagne en importance, car désormais il ne sera plus question que de lui.
Silencieusement l.43
Adverbe
Ambiance de peur, registre fantastique. Le mystère et la mort sont mêlés.
Suintait la mort l.44
Métaphore macabre
Oedipe l.58
Nom propre
Première occurrence du nom du héros, tardive dans cet incipit.
Monstre l.65 + terreur l.65
Métaphore du mal
Thèbes est sous l'emprise du mal. Oedipe le combattra, il apparaît comme un héros sans peur.

B) Un personnage auréolé de mystère
Troublée l.24
Qualificatif polysémique
Signifie à la fois « confus », « qui manque de clarté », « agité » et  « qui comporte des éléments cachés », « louche » → époque à la fois confuse d'un point de vue politique (régence de Créon depuis la mort de Laïos) et louche, contenant des éléments mystérieux (meurtrier de Laïos par exemple). Ce simple adjectif entretient donc une part de mystère.
Un homme l.32
Article indéfini + nom générique
Absence totale d'indication sur l'identité de l'individu → le mystère continue.
Et un homme entra l.32
Phrase réduite à son minimum : connecteur temporel, sujet, verbe.
Mise en évidence de cette phrase très brève, qui constitue à elle seule un paragraphe (alinéa avant, retour à la ligne après) → renforce l'effet d'attente, le mystère.
Il était arrivé l.38
Plus que parfait
Saut dans le temps, ellipse narrative. Le narrateur situe désormais l'action dans un passé antérieur à celui de l'histoire (qui sera, elle, narrée au passé simple et à l'imparfait : « aucun habitant ne se souvenait... ») → renforce le mystère : pourquoi ce changement de temporalité ? Que s'est-il passé entre le moment de l'arrivée d'Oedipe et le temps du récit ?
Pyloros l.44
Nom propre = adjectif grec
Signifie littéralement en Grec « qui garde la porte » : il a le nom de sa fonction, comme Oedipe a le nom de sa déformation physique → les personnages n'ont pas une identité psychologique, ils sont des fonctions (gardien de porte, porteur d'un destin tragique).
Ne… que
Restrictive
Renforce le mystère : on ne sait pas grand-chose de l'inconnu.
Étrange l.50 + insolite l.52
qualificatifs
Insistance sur l'objet de curiosité que représente Oedipe pour les Thébains
l.50 à 52
Enumération
Renforce le mystère qui entoure le personnage : paroles qui n'expliquent pas, objets qui ne situent pas, corps abîmé sans justification.
l.54, 56 et 58
Discours direct
Donne vie au personnage tout en maintenant un épais mystère puisque ses réponses demeurent floues : sanctuaire de Delphes n'est pas son origine mais sa dernière étape ; « mon destin » pourrait s'appliquer à tout homme ; même son nom ne nous apprend rien d'autre que la déformation de ses pieds.
Bien des années plus tard l.59
Indicateur temporel
Le mystère dure longtemps.
Nul + négation l.59
Négation du savoir
Mystère, toujours.
Laconisme l.61 + rareté de ses paroles l.50-51 + silencieusement l.43
C.L du silence
Oedipe est mystérieux, il ne se livre pas, son passé demeure secret.


C) La mise en place de la tragédie
Au coeur de l.19, entre le nord… et le sud l.19-20, entre le… et le… l.21-22, vers l.23
Prépositions (ou locution prépositionnelles) spécifiant un lieu
Précision de la situation géographique de Thèbes, au carrefour de plusieurs chemins → annonce le carrefour où Oedipe tuera Laïos ; ou Thèbes comme le lieu où se joue le destin, selon la direction que l'on prendra.
Ciel, bêtes, frères humains
Énumération proleptique des opposants à Oedipe dans le récit
Ciel = les dieux, le destin
Bêtes = la sphinx (qui apparaît comme une bête selon la rumeur)
- frères humains = les Thébains
Fin l.33, journée d'hiver l.34, nuit l.35
Cadre temporel métaphorique
Symbolise à la fois le mal et l'aveuglement (semi obscurité) dont fera preuve Oedipe plus tard.
Brume l.36, brouillait l.37
Jeu sur les sonorités proches + lexique du flou
Effet d'insistance sur l'absence de vision claire → annonce encore l'aveuglement d'Oedipe
Le seuil entre le jour et la nuit l.37
Métaphores
Le « seuil » rappelle la « porte », et « le jour et la nuit » rappelle « le Soleil Levant » et « le Soleil Couchant » des lignes 21-22 → on est à l'endroit où tout se joue, où le destin se met en marche. Le jour apparaît comme le passé heureux d'Oedipe, la nuit comme son futur tragique.
Il était arrivé l.38
Plus que parfait
Valeur d'action accomplie, comme si Oedipe avait atteint son but, comme si désormais, la tragédie était en marche, car l'irréparable a été commis (l'entrée dans la ville).
Toutes les portes l.39-40
globalisant
Même la porte de l'Espérance s'est refermée… annonce l'échec d'Oedipe à sauver Thèbes de son malheur ?
Delphes l.54 + destin l.56
Éléments de la tragédie
Oracle rendu (parricide et inceste) allié à la mention du destin = mise en place de la tragédie.
Avait accepté l.62 + se soumettre l.63
Lexique de l'obéissance
Oedipe apparaît comme soumis à son destin, il ne cherche pas à discuter, comprendre, refuser.
On peut aussi comprendre qu'il est héroïque, puisqu'il accepte d'affronter le mal en face.

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