I.
Un incipit qui ancre le récit dans le mal et le malheur
A)
Une histoire entre fiction et réalité, une histoire universelle
À
l'époque mythique de l'Âge d'Or, l.1
|
Formule
d'entrée de contes ou de mythes (voir Ovide,
Les Métamorphoses :
« Le premier âge fut l’âge
d’or où, de lui-même, sans lois et sans contrainte, l’homme
observait la justice et la vertu. On ne connaissait alors ni les
supplices ni la crainte des supplices »)
|
Ouverture
paradoxale : commence comme un mythe, tout en niant la
réalité de ce qui est rapporté avec l'adjectif « mythique ».
|
Dit-on,
l.2
On
doutait même que pareille époque eût jamais existé l.10-11
|
Pronom
indéfini vague (qui est ce « on » ?)
|
Mise
en doute de ce qui est énoncé, de l'existence de l'Âge d'Or.
|
Mais
l.9
|
adversatif
|
Prend
le contre-pied de ce qui vient d'être dit : pour indiquer
que le récit qui va être fait relève, lui, de la réalité la
plus noire, et non pas de la fiction, du mythe.
|
Histoire,
racontons, théâtre l.9-12
|
Lexique
du récit de faits (fictifs ou réels)
|
Discrète
référence au théâtre de Sophocle, dont s'inspire l'auteur pour
écrire ce roman. Maintient une ambiguïté sur la réalité ou
pas de cette histoire.
|
Ici
l.9
|
Adverbe
de lieu
|
En
opposition à « l'Âge d'Or » : cette histoire
est donc à lire comme un anti Âge d'Or
|
À
Thèbes l.11
|
Nom
propre
|
Ville
réelle, lieu précis, par opposition au vague « Âge
d'Or » : l'histoire semble réelle.
|
La
Béotie, la Grèce, Péloponnèse, Attique, Delphes
|
Noms
propres géographiques
|
Situe
la ville dans un lieu réel, ce qui contribue à amplifier
l'illusion de réalité.
|
Thèbes
l.11, enceinte l.13, faubourg et basse ville l.14, citadelle l.15,
tout en haut l.15, acropole l.16
|
Isotopie
de la ville
|
(acropole
= quartier situé sur la partie la plus haute d'une ville)
Mise
en place de la structure de la ville ; précision du cadre
spatial → effet de réalité
|
En
cette époque troublée l.24
|
Cadre
spatial vague
|
On
ignore quand ça se passe : universalité de l'histoire qui
pourrait se passer à toute époque → universalité de cette
histoire.
|
Le
malheur de l'homme l.25
|
Articles
singuliers pour désigner des éléments pluriels
|
Généralisation,
universalité du malheur → universalité de cette histoire.
|
Au
deuxième jour de février l.36
|
Indice
temporel à la fois précis et vague (quelle année, quelle
époque?)
|
Universalité
de l'histoire.
|
B)
Thèbes, la ville du mal et du malheur
Ne...pas
tout au long du paragraphe l.1 à 8
|
Suite
de propositions à la forme négative
|
Les
négations dessinent en creux ce qui est à l'époque du récit :
l'inverse de l'Âge d'Or, c-a-d un monde plein de cruauté, de
vol, de crimes.
|
-
Ciel, bêtes, frères humains l.4-5-7
-
mentaient, volaient, tuaient l.7-8
|
Gradations
dans les dangers ou les maux des hommes
|
Comme
si le monde n'avait cessé d'empirer au fil du temps.
|
Les
portes l.2
|
métaphore
|
Représentent
la protection contre les maux des hommes : à l'époque de
l'Âge d'Or, puisqu'il n'y a pas de mal, il n'y a pas de portes de
protection.
|
Passait,
doutait, s'étaient multipliées
|
Imparfait
et plus que parfait
|
Temps
de la description au passé : correspond à la situation
initiale, on plante le décor.
|
Les
portes répété 5 fois l.13 à 16
|
répétition
|
Insistance
sur le nombre de portes ; or on a vu que la porte était une
métaphore → on en conclut que le mal s'est propagé.
|
Portes
bavardes l.12-13, portes sévères l.15, portes majestueuses l.16
|
hypallage
|
Les
portes sont dotées de qualificatifs humains : elles
représentent les habitants de Thèbes
|
Thèbes
elle-même […] était une porte l.18-19
|
métaphore
|
Thèbes
est le lieu où se décide le mal, où on le laisse entrer ou, au
contraire, où on le tient à distance.
|
Reliefs
barbares l.20, Soleil Couchant l.22 / le sud riant l.20, Soleil
Levant l.21
|
antithèses
|
Idem
que précédemment : Thèbes se trouve à la jonction d'un
choix à faire ou d'un destin qui s'effectue : soit on va ver
le sud, soit on va vers le nord.
|
Tout
ce qui l.24
|
Globalisant
|
Globalise
l'ensemble des malheurs, sans aucune exception → effet
d'insistance, voire hyperbolisation du malheur
|
l.26
à 28
|
Accumulation
de différents maux
|
Effet
d'insistance sur le malheur de Thèbes
|
Portes
battantes l.25-26
|
métaphore
|
Thèbes
semble ouverte au mal, elle ne fait rien pour fermer les portes
qui pourraient la préserver. Culpabilité des habitants.
|
Le
crime, même l.28
|
Phrase
non verbale en clôture de paragraphe
|
Effet
d'insistance sur le mot « crime », renforcé par
l'adverbe « même » → Thèbes apparaît comme la
capitale du mal.
|
À
jamais l.29, condamnée l.29-30
|
Lexique
du mal, de la damnation éternelle
|
La
situation initiale présente une ville imprégnée par le mal,
sans aucun espoir d'amélioration, comme si les Thébains
eux-mêmes avaient renoncé au Bien.
|
Chétives
l.33, n'ont pas la force l.34
|
Lexique
de la faiblesse + personnification
|
Symbolise
peut-être les Thébains qui n'ont pas la force de s'extraire du
malheur qui les frappe.
|
C)
Les Thébains enfermés dans leur peur de l'autre
Théâtre
l.12
|
Lieu
clos, enfermant Thèbes dans une sorte de huis-clos oppressant.
|
|
Enceinte
l.13
|
(analyse
lexicale)
|
Ville
close, enfermée sur elle-même.
|
… le
malheur de l'homme courait l.25
|
Personnification
du malheur
|
Sous-entend
que l'homme est le seul responsable de son malheur ; idée de
grouillement, de rapidité de la contagion du mal.
|
Déjà
l.40
|
Adverbe
de temps
|
Insiste
sur l'empressement des Thébains à s'enfermer sur eux, à
s'idoler.
|
« On »
l.40 et « monde extérieur » l.41
|
Opposition
|
Exprime
l'enfermement des Thébains sur eux-mêmes
|
Se
terraient l.41
|
Animalisation,
métaphore
|
Renforce
l'idée de peur primitive, ou de manque d'ouverture, de manque
d'humanité des Thébains
|
Leur
angoisse l.42
|
Déterminant
possessif
|
L'angoisse
est fabriquée par les Thébains eux-mêmes (voir la différence
avec « l'angoisse « qui n'a pas le
même effet) : responsabilité des Thébains dans leur
malheur.
|
L'avait
conduit l.45, l'avaient accueilli l.46-47
|
Politesse
froide et ritualisée (« selon le rituel) des Thébains
|
|
Souvent
interrogé l.47
|
Adverbe
de fréquence
|
Curiosité
des Thébains qui n'ont pas l'habitude de voir des étrangers
arriver chez eux.
|
D'où
venait-il ? l.52-53
Où
allait-il ? l.55
Comment
s'appelait-il ? l.57
|
Discours
indirect libre
|
Suite
de questions posée à la fois par le narrateur et par les
habitants : prouve la curiosité des Thébains et la
tentative d'éclaircissement du mystère du personnage de la part
du narrateur.
|
L'étranger
l.62, visiteurs l.64
|
Lexique
de l'altérité
|
Insiste
sur le fait qu'Oedipe n'ait pas la même origine que les Thébains,
donc suscite la méfiance.
|
Épreuve
l.63 en parallèle avec « accueilli, selon le rituel »
l.47
|
paradoxe
|
L'accueil
des visiteurs consiste en une épreuve mortelle… étrange
accueil. Souligne la méfiance des Thébains à l'égard de tout
ce qui vient de l'extérieur.
|
II.
Oedipe, un personnage mystérieux
A)
Une entrée en scène à la fois discrète et tonitruante
Une
seule porte l.29
|
Adjectif
antéposé
|
Mise
en valeur de la porte, comme une focalisation sur elle (effet de
zoom).
|
Espérance
l.30
|
Allégorisation
de l'espérance avec la majuscule
|
Sous-entend
que l'espérance pourrait être incarnée en une personne.
|
Brume
l.36, brouillait l.37
|
Jeu
sur les sonorités + lexique du flou
|
Symbolise
la peur [brrr] dans lequel vivent les Thébains = ambiance
fantastique (mystère + peur)
|
Or,
un soir l.31
|
Connecteur
temporel en rupture avec la situation initiale
|
Elément
déclencheur introduit par l'entrée en scène d'Oedipe → attire
l'attention sur lui.
|
S'ouvrit
l.31, entra l.32
|
Passé
simple
|
Idem :
on passe de l'imparfait de la situation initiale au passé simple
du début de l'action, grâce à Oedipe.
|
Cette
porte s'ouvrit l.31
|
-Déterminant
anaphorique (= qui reprend un élément déjà évoqué dans le
texte)
-antithèse
|
La
focalisation sur la porte de l'Espérance se poursuit, de manière
surprenante puisque « s'ouvrit » s'oppose à
« condamnée » → effet d'attente : quel
individu incarne l'Espérance ? Quel individu est assez fort
pour ouvrir une porte condamnée ?
|
Aucun
habitant […] ne se souvenait l.38
|
négation
|
Registre
fantastique, en tout cas ambiance de mystère : le souvenir
est comme effacé. Annonce la passé trouble à la fois des
Thébains et d'Oedipe lui-même. On tente d'oublier ou d'effacer
le passé.
|
Il
l.43
|
Pronom
personnel
|
L'homme
est toujours mystérieux (on ignore qui il est), mais il gagne en
importance, car désormais il ne sera plus question que de lui.
|
Silencieusement
l.43
|
Adverbe
|
Ambiance
de peur, registre fantastique. Le mystère et la mort sont mêlés.
|
Suintait
la mort l.44
|
Métaphore
macabre
|
|
Oedipe
l.58
|
Nom
propre
|
Première
occurrence du nom du héros, tardive dans cet incipit.
|
Monstre
l.65 + terreur l.65
|
Métaphore
du mal
|
Thèbes
est sous l'emprise du mal. Oedipe le combattra, il apparaît comme
un héros sans peur.
|
B)
Un personnage auréolé de mystère
Troublée
l.24
|
Qualificatif
polysémique
|
Signifie
à la fois « confus », « qui manque de clarté »,
« agité » et « qui comporte des éléments
cachés », « louche » → époque à la fois
confuse d'un point de vue politique (régence de Créon depuis la
mort de Laïos) et louche, contenant des éléments mystérieux
(meurtrier de Laïos par exemple). Ce simple adjectif entretient
donc une part de mystère.
|
Un
homme l.32
|
Article
indéfini + nom générique
|
Absence
totale d'indication sur l'identité de l'individu → le mystère
continue.
|
Et
un homme entra l.32
|
Phrase
réduite à son minimum : connecteur temporel, sujet, verbe.
|
Mise
en évidence de cette phrase très brève, qui constitue à elle
seule un paragraphe (alinéa avant, retour à la ligne après) →
renforce l'effet d'attente, le mystère.
|
Il
était arrivé l.38
|
Plus
que parfait
|
Saut
dans le temps, ellipse narrative. Le narrateur situe désormais
l'action dans un passé antérieur à celui de l'histoire (qui
sera, elle, narrée au passé simple et à l'imparfait :
« aucun habitant ne se souvenait... ») → renforce le
mystère : pourquoi ce changement de temporalité ? Que
s'est-il passé entre le moment de l'arrivée d'Oedipe et le temps
du récit ?
|
Pyloros
l.44
|
Nom
propre = adjectif grec
|
Signifie
littéralement en Grec « qui garde la porte » :
il a le nom de sa fonction, comme Oedipe a le nom de sa
déformation physique → les personnages n'ont pas une identité
psychologique, ils sont des fonctions (gardien de porte, porteur
d'un destin tragique).
|
Ne…
que
|
Restrictive
|
Renforce
le mystère : on ne sait pas grand-chose de l'inconnu.
|
Étrange
l.50 + insolite l.52
|
qualificatifs
|
Insistance
sur l'objet de curiosité que représente Oedipe pour les Thébains
|
l.50
à 52
|
Enumération
|
Renforce
le mystère qui entoure le personnage : paroles qui
n'expliquent pas, objets qui ne situent pas, corps abîmé sans
justification.
|
l.54,
56 et 58
|
Discours
direct
|
Donne
vie au personnage tout en maintenant un épais mystère puisque
ses réponses demeurent floues : sanctuaire de Delphes n'est
pas son origine mais sa dernière étape ; « mon
destin » pourrait s'appliquer à tout homme ; même son
nom ne nous apprend rien d'autre que la déformation de ses pieds.
|
Bien
des années plus tard l.59
|
Indicateur
temporel
|
Le
mystère dure longtemps.
|
Nul
+ négation l.59
|
Négation
du savoir
|
Mystère,
toujours.
|
Laconisme
l.61 + rareté de ses paroles l.50-51 + silencieusement l.43
|
C.L
du silence
|
Oedipe
est mystérieux, il ne se livre pas, son passé demeure secret.
|
C)
La mise en place de la tragédie
Au
coeur de l.19, entre le nord… et le sud l.19-20, entre le… et
le… l.21-22, vers l.23
|
Prépositions
(ou locution prépositionnelles) spécifiant un lieu
|
Précision
de la situation géographique de Thèbes, au carrefour de
plusieurs chemins → annonce le carrefour où Oedipe tuera
Laïos ; ou Thèbes comme le lieu où se joue le destin,
selon la direction que l'on prendra.
|
Ciel,
bêtes, frères humains
|
Énumération
proleptique des opposants à Oedipe dans le récit
|
Ciel
= les dieux, le destin
Bêtes
= la sphinx (qui apparaît comme une bête selon la rumeur)
-
frères humains = les Thébains
|
Fin
l.33, journée d'hiver l.34, nuit l.35
|
Cadre
temporel métaphorique
|
Symbolise
à la fois le mal et l'aveuglement (semi obscurité) dont fera
preuve Oedipe plus tard.
|
Brume
l.36, brouillait l.37
|
Jeu
sur les sonorités proches + lexique du flou
|
Effet
d'insistance sur l'absence de vision claire → annonce encore
l'aveuglement d'Oedipe
|
Le
seuil entre le jour et la nuit l.37
|
Métaphores
|
Le
« seuil » rappelle la « porte », et « le
jour et la nuit » rappelle « le Soleil Levant »
et « le Soleil Couchant » des lignes 21-22 → on est
à l'endroit où tout se joue, où le destin se met en marche. Le
jour apparaît comme le passé heureux d'Oedipe, la nuit comme son
futur tragique.
|
Il
était arrivé l.38
|
Plus
que parfait
|
Valeur
d'action accomplie, comme si Oedipe avait atteint son but, comme
si désormais, la tragédie était en marche, car l'irréparable a
été commis (l'entrée dans la ville).
|
Toutes
les portes l.39-40
|
globalisant
|
Même
la porte de l'Espérance s'est refermée… annonce l'échec
d'Oedipe à sauver Thèbes de son malheur ?
|
Delphes
l.54 + destin l.56
|
Éléments
de la tragédie
|
Oracle
rendu (parricide et inceste) allié à la mention du destin = mise
en place de la tragédie.
|
Avait
accepté l.62 + se soumettre l.63
|
Lexique
de l'obéissance
|
Oedipe
apparaît comme soumis à son destin, il ne cherche pas à
discuter, comprendre, refuser.
On
peut aussi comprendre qu'il est héroïque, puisqu'il accepte
d'affronter le mal en face.
|
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