I. Une scène
d’exposition qui délivre peu d’informations
A. un cadre
spatio-temporel déterminé
- didascalie
initiale : « été » + « fenêtre ouverte »
à défaut d’ « air conditionné » l.25 = chaleur
- didascalie
initiale brève mais précise quant au lieu (repris plus tard l.19 :
« nouveau bureau ») : espace confiné, clos.
→ chaleur + espace
clos = situation pesante
- C.L. du paysage
urbain, sans beauté : « autoroute », « voitures »,
« vue sur le centre d’achats » , « bâtiment »,
« bloc » = laideur de l’instant
-
Indice discret du pays : une expression relève du parler
québécois : le « centre d’achats » (pour le
centre commercial) l.4
B. le personnage
du notaire, mal à l’aise, bouleversé et sympathique
- son nom :
allitération en [l] = fluide et sympathique
- parle avec
tournures et vocabulaire familiers : « faut pas »
l.3, « c’était pas » l.6
« se raconter de racontars » l.3, « une
méchante publicité » l.9 = accessible, bonhomme
- Tirade :
parle beaucoup, mais en évitant d’aborder le vrai sujet :
justifie la laideur de la vue de son bureau, compare les avantages de
son bureau avant et de celui-ci (pouvoir accrocher une publicité ou
pouvoir ouvrir la fenêtre en attendant la climatisation) = semble
mal à l’aise, tente d’atténuer la douleur de ses
interlocuteurs.
- Répète des
expressions vides de sens : « c’est sûr » x3 l.1
puis l.35, « Oui. Bon » l.27 et 34 → ne sait pas quoi
dire, meuble le silence.
- Phrases courtes,
parfois réduites à un mot : « Excusez-moi », « Un
peu », « Parfois ». « Je ne sais pas »
→ confusion, tristesse.
- Répète à deux
reprise qu’il aimait la mère : on ignore de quelle sorte
d’amour il s’agissait, mais il semble sûr que le notaire
l’aimait profondément.
- exprime sa
tristesse par les mots : évoque le détail de la pluie le jour
de la mort de la mère (polyptote : « pleuvait »,
« pleuve », « pleut » + « mauvais
temps »), comme si ça avait une grande importance « ça
m’a fait beaucoup de peine qu’il pleuve », comme si ce
n’était ps la mort, mais la pluie qui l’avait affligé =
pudeur ? Délicatesse ? Il exprime surtout sa tristesse
mais par les gestes : didascalie « Il éclate en
sanglots » l.60 = nous apparaît comme très humain, sensible,
attachant. Il manifeste l’émotion que les jumeaux ne manifestent
pas ici.
C. les autres personnages, énigmatiques
*Les
interlocuteurs : un dévoilement qui ne dévoile pas grand chose
- Ne prennent jamais
la parole, sont d’abord évoqués par le déterminant « votre »
dans « votre mère » l.13, puis dans l’impératif
« entrez » : pas de pronom, pas de nom, comme s’ils
étaient absents. On ne sait pas s’il s’agit d’un vouvoiement
ou d’une adresse à un pluriel.
- Le premier pronom
« vous » n’arrive que l.36, puis une précision « les
jumeaux » l.46, et enfin « la jumelle », « le
jumeau » → un frère et une sœur, on ne sait rien d’autre,
aucune identité.
*La mère :
- n’est désignée
par par cette dénomination « votre mère » : pas de
nom, pas d’identité.
- on comprend
qu’elle est morte : Hermile Lebel parle d’elle au passé :
« c’est elle qui m’a appris » l.13, « j’aimais
votre mère » l.42, « elle disait » l.46, etc.
- Sa mort est
d’abord suggérée par l’euphémisme « malheur qui vient de
frapper » l.15. Puis Évocation explicite de cette mort l.52 :
« quand elle est morte ».
- La mère est liée
au mutisme : C.L du mutisme (« elle ne disait jamais rien
à personne » l.48, « plus rien dire du tout »
l.50, « ne disait rien » l.50, « ne me disait rien
sur vous » l.51).
- On sait également
qu’elle vient d’un pays chaud : « dans son pays il ne
pleut jamais » l.54 = une étrangère au sens propre comme au
sens figuré (on ne sait rien d’elle, elle s’était
définitivement tue l.49-50).
II. Une scène
d’exposition qui brouille les pistes
A. un prologue en
forme d’entrée dans la tragédie
- Répétition de
« entrez » l.17-18 puis 29 : semble inviter le
lecteur (ou le spectateur) à entrer dans l’histoire, comme un
chœur antique.
- le dedans et le
dehors : comme une scène avec ses quatre murs
- l’évocation à
deux reprises du « passage » l. 18 et l.30 + symbolique
du déménagement (« Avant » / « Maintenant » ;
« de l’autre côté » l.5 / « de ce côté-ci »
l.10) = bouleversement, changement radical dans l’histoire du
notaire et des jumeaux, entre-deux qui marque la fin d’une époque
et le début d’une autre.
- Mais négations
qui indiquent que le passage semble difficile : « c’est
pas facile » l.28, puis « je comprends qu’on ne veuille
pas entrer » l.31 et « moi, je n’entrerais pas »
l.33 → comme si ce qui les attendait de l’autre côté, c’était
quelque chose de terrible, une entrée dans l’engrenage tragique //
Tirésias qui dissuade Oedipe de mener l’enquête qui lui révélera
l’horrible vérité.
- Dans la phrase qui
suit immédiatement, évocation de l’enfer (l.37), puis dans les
phrases suivantes, la mort = on pénètre bien dans un environnement
tragique.
- Autres éléments
de la tragédie : les oiseaux, comme des augures annonçant
l’avenir ; les répétitions de « c’est sûr » comme
destin tracé d’avance ; la pluie qui précède les sanglots
du notaire ; un C.L du mal, de la destruction : « malheur
qui vient de frapper » l.15, « détruit » l.40,
« un mal » l.49.
- L’allégorisation
de la mort l.39 à 41 : « la mort, ça n’a pas de
parole », « Elle détruit toutes les promesses »,
« elle vient quand elle veut » : comme un personnage
vicieux et perfide, incontrôlable = figure du destin.
B. Quelques
éléments comiques qui tiennent le tragique à distance
- expressions
erronées dans la bouche de Hermile Lebel : « c’était
pas la mer à voir » l.6, « l’enfer est pavé de bonnes
circonstances » l.37 ; « je vous dis ça […] de
long en large » l.43)
- anecdotes de la
pancarte qui fait de la publicité aux heures de pointe (décalé par
rapport à la situation) + anecdote du zoizeau
(où le notaire apparaît comme très enfantin)
- paradoxes :
s’excuse de parler de la mère l.14, alors qu’ils sont là pour
ça ; leur demande d’entrer alors qu’il concède que
lui-même n’entrerait pas l.33 ; se contredit : « Elle
m’a souvent parlé de vous » l.44 puis « Elle ne me
disait rien sur vous » l.51.
- des phrases toutes
faites, des aphorismes au présent de vérité générale :
« Continuer à vivre comme on dit » l.16, « La
mort, ça ne se prévoit pas »
- des évidences,
des remarques étranges : « un centre d’achat, ce n’est
pas un oiseau » l.12 puis « C’est pas comme les oiseaux
un testament, c’est sûr, c’est autre chose » l.56, où
l’oiseau apparaît comme la légèreté, l’ailleurs.
C.
Un prologue qui soulève des questions / annonce les thèmes de la
pièce
- La vraie raison de
la présence des personnages n’est évoquée qu’en toute fin de
tirade : « testament » l.55 qui intervient après
les nombreuses remarques sur le mutisme de la mère → tension qui
s’instaure entre le non-dit et le dit, le caché et l’écrit. On
suppose que le testament va révéler quelque chose ; effet
d’attente. D’ailleurs, les jumeaux sont mutiques dans cette
scène, en écho au mutisme de la mère et par contraste avec le flot
de parole d’Hermile.
- Le mystère autour
des trois personnages sans nom : ils sont d’abord positionnés
par leurs rapports familiaux, comme si ces rapports comptaient plus
que leur nom → une histoire sur la famille, le lien familial ?
- Quelques symboles
à déchiffrer :
*
les oiseaux : C’est
Nawal qui
a ouvert les yeux du Notaire sur la prononciation, comme si elle lui
avait montré la vérité :
« avant, je disais un zoiseau.
C’est
votre mère qui m’appris qu’il fallait dire un oiseau » +
comparaison « c’est pas comme les oiseaux, un testament,
c’est sûr »
*
l’eau : pluie le jour de l’enterrement de la mère +
sanglots du Notaire
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