mardi 7 novembre 2017

Nuit des temps, L.A n°1 : l'incipit

LA n°1 : Un incipit qui intrigue

Plan possible :
  1. Mise en place des éléments traditionnels de l'intrigue
      A. Une double situation d’énonciation
Quand
présent d’énonciation (« me paraît », est », « frissonne »), qui s’oppose à l’imparfait (« attendaient », « connaissaient ») et au passé composé (« suis arrivé », « ai regagné »)

Indices de l’époque : « jet », « aérogare », « micro », « caméra » … = 2ème moitié du XXème siècle.

présence de déictiques : « là-bas », « hier soir », « cette nuit ».

Description réaliste de Paris, avec noms propres réels : « Aérogare de Paris-Nord », « Défense », « tour Eiffel », « tour Montparnasse », « Sacré coeur », « Courbevoie », « la Seine ».
+ « ma chambre d’homme de la ville » qui indique que le narrateur habite ici.
Qui
« je » : narrateur interne, qui s’adresse à un « tu ».

Le temps et le lieu sont identiques dans la partie de graphie normale, mais le narrateur devient externe. Le monologue intérieur de Simon gagne ainsi en crédibilité, puisque son corps exprime objectivement les émotions qu’il exprimait.

      B. Un personnage « transparent »
- Partie en italique : monologue intérieur qui s’adresse de manière fictive à la « bien-aimée ». On pénètre donc d’emblée dans ses pensées intimes => place le lecteur en empathie avec ce personnage.
- La description traditionnelle intervient dans une 2ème temps : passage à la graphie normale, où on met un nom + un métier sur ce personnage : « le Dr Simon »
- Description minutieuse de l’apparence de Simon, grâce à de nbx adjectifs qualificatifs.
- Une première phrase fournit les informations principales : son âge + accumulation de trois adjectifs assez banals : « grand, mince, brun » : Simon apparaît comme un homme commun, on peut facilement s’identifier à lui.
- Ses vêtements traduisent sa fatigue : « pain brûlé », « un peu déformé », « usé », avec la métaphore du « pain brûlé » qui suggère la mort ou du moins des émotions négatives.
- Son corps exprime son laissé-aller : « pieds sont nus », « barbe » qui mange son visage, « front appuyé au mur »
- Intelligence visible dans l’évocation du front, siège de l’intelligence : « son front est large »
- Sa douleur est également visible dans la description de son visage : « clair et fragile », « vulnérable », comparaison avec la « peau cicatrisée d’une blessure » qui suggère une plaie à peine refermée + « profonde ride » qui suggère les soucis, et « ses paupières sont gonflées » pour indiquer à la fois le manque de sommeil et la tristesse.


      C. Un incipit lyrique qui traduit la douleur du narrateur
-Ses doutes, ses questions et incertitudes : questions et questions rhétoriques : « En serai-je capable? » + « Que pouvais-je répondre? » + « peut-être était-ce ma propre peine... »

- Champ lexical de la douleur : « peine », « blessure », « saignait », « déchirés », « blessés », « je frissonne », « mon sang », « ma chair » => description physique d'une douleur psychologique.
- Répétition de l'adverbe « jamais »l.39 = insistance sur l'avenir désormais froid et mort du narrateur
- Extension de cette douleur : aux journalistes (il est tellement envahi de douleur qu'il se demande s'il ne projette pas sa « propre peine », sur les autres l.25-27).
et au monde qui l'entoure dans le dernier paragraphe : personnifications du ciel qui devient « blême », marquant la maladie + « fumée noire qui essaie de retenir la nuit » => noirceur du monde à l'image du coeur de Simon + « un remorqueur pousse son cri de monstre triste » un élément jadis banal devient une créature à la fois effrayante (monstre) et triste, à l'image du nouveau monde de Simon.
=> un paragraphe qui montre que Simon voit tout selon son état d'esprit. La ville est désormais étrangère et triste, noire, fausse. Passage presque romantique : la description de l'environnement traduit le coeur de l'homme qui l'observe.


  1. Un incipit qui intrigue
      A. L’adresse à une mystérieuse femme aimée
-Apostrophe en gradation en tout début d'incipit : femme « aimée » mais « abandonnée » de manière désespérée car « perdue ».
-Parallèle avec le mythe d’Orphée : son Eurydice est « laissée là-bas au fond du monde » + « ce monde qui n’est pas le tien » : crée une opposition entre le monde que le lecteur connaît (Paris) et ce lui, mystérieux, où est la femme.
-Forme de responsabilité de Simon dans cet abandon puisque le « je » est sujet de « laisser » tandis que le « toi » est objet.
-Cette femme suscite un intérêt passionné : métaphore animale de la « meute de journalistes » qui insiste sur leur nombre et leur avidité /curiosité ; accumulation : « leurs micros, leurs caméras, leurs questions » = + hyperbole « questions innombrables » = curiosité, intérêt de la multitude pour cette femme.
-Elle est connue de tous les journalistes« ils te connaissaient tous, ils avaient tous vu... » => répétition de « tous ».
-Elle paraît exceptionnellement belle : « couleur de tes yeux », « ton regard », « formes … de ton visage et de ton corps » + hyperboles : « incroyables », « bouleversantes », « déchirés, blessés »
-Elle frappe les esprits : « n'avaient pu t'oublier », « secrètement émus »

      B. L’implicite d’un événement traumatisant
- Retour récent d’un endroit éloigné : « hier soir » + « jet australien », « aérogare de Paris-Nord », « été polaire », en opposition avec la répétition de « monde » l.2 et 9.
- Marques d’un événement extraordinaire avec la meute de journalistes
- Le traumatisme est visible dans une forme de ré-apprentissage de la vie de la part du narrateur : nécessité dans « il va falloir » + répétition du préfixe « re » dans « reconnaître » et « réapprendre » + actions vitales : « respirer » » = comme si le narrateur avait vécu un accident handicapant et devait se réinsérer « au milieu des hommes » (comme si lui-même n’en avait plus fait partie pendant un moment)
- Dernière phrase de l’incipit : répétition d'une forme négative : « il ne peut plus » (implicite : avant, il pouvait) => marque d'un bouleversement radical dans sa vie. Souffrance qui dépasse les larmes.
- Opposition entre la familiarité et l’étrangeté :

Familiarité = avant
Étrangeté = maintenant
- Champ lexical de la familiarité : « familiers », « si souvent », « qui m'ont nourri », « où a dormi mon enfance », « qui m'a vu grandir, pousser, devenir moi », « c'est mon pays », « connu »
- Chp lex. Des objets du quotidien : « chambre », « vieux lit », « livres », « meubles »
- Possessifs : « ma chambre », « ma place », « mon pays »
- Verbes au passé : « ai posé », « aimaient », « ont nourri », etc.
- Indices temporel du passé : « si souvent », « mon enfance »


- Adjectifs qualifiants le malaise : « étranger », « impossible », « faux ».


- une question rhétorique (=oratoire) « en serai-je capable » = malaise
- démonstratif « ce monde » qui crée de la distance
- Verbe au présent : « me paraît »


- Indice temporel : « aujourd'hui »
- Puis dans le dernier paragraphe du monologue, de nouveau : « ma chambre », « nuit », « pas dormi »
Marques de l'opposition : « Et tout ce décor... » = « et » a une valeur d'opposition + « pourtant »

=> forte opposition entre un « avant » l’événement et un « après ».

-Personnification : « la tour E. et la tour M. enfoncent leurs pieds... » => mise à distance de monuments qui avant étaient familiers et qui maintenant prennent l'apparence de géants, d'étrangers.

      C. L’annonce d’une tragédie à venir
La prolepse qui débute le roman : « mon abandonnée, ma perdue »
- « ce monde qui n'est pas le tien » => l'absence de la femme aimée crée le manque.
- Nombreuses négations tout au long de l’incipit : le négatif, le vide, l'absence.
- Renforcé par l’isotopie de l’obscurité : « cette nuit » l.6,
- Lexique de l’impuissance : « en vain »l6-7, « impossible » l9, « en serai-je capable ? » l.14
- Le monde est devenu comme illusoire, sans consistance : comparaison : « Le Sacré Coeur a l'air d'une maquette en plâtre » => il s'agit d'un monde fragile et faux (reprend l'idée de Simon l. 11 : « devenu un monde faux »), mais aussi les images de coton, de brume, qui semblent atténue la réalité : « enfoncent leurs pieds dans la brume » , « a l’air d’une maquette en plâtre posée sur du coton »
- « se teintent de rose » : à la fois amour et mort.
- Métaphore : « brume empoisonnée par leurs fatigues d'hier » => monde dangereux, porteur de mort. Référence au futur empoisonnement d'Eléa et Païkan.
- « des millions d’hommes s’éveillent, déjà exténués d’aujourd’hui » : paradoxe qui suggère une humanité souffrante, et le cercle vicieux de cette souffrance dont on ne peut pas sortir = poids d’une fatalité.

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