de
« le Comte : Autrefois tu me disais tout » à la fin
de la scène.
Extrait
de la scène 5, acte III. Confrontation
entre le
Comte
et Figaro :
le Comte
veut savoir si
Suzanne a révélé à Figaro le projet de rétablissement du droit
de cuissage.
Il doit
donc user de tactiques pour sonder l'esprit de son valet sans,
évidemment, lui avouer son projet.
I. Une confrontation entre deux individus qui ont des choses à cacher
I. Une confrontation entre deux individus qui ont des choses à cacher
A)
Un dialogue impossible : chacun cherche à duper l'autre
Enjeu
du dialogue : le comte cherche à savoir si Suzanne a révélé
à Figaro ses vues sur elle ; si c'est le cas, il lui fait
épouser Marceline. Figaro, qui est au courant de tout, doit faire
semblant de n'être au courant de rien.
Méthode
employée par le comte pour sonder Figaro : lui propose
d'aller à Londres : si Figaro accepte, c'est qu'il ne se méfie
pas ; s'il refuse, c'est qu'il sait tout.
Méthode
employée par Figaro : refuser Londres, en prétextant son
manque d'ambition.
- C.L. du
secret : « cache », « louche », « jamais
aller droit » et des défauts : « mauvais »,
« détestable », « torts » = le comte accuse
Figaro de ne pas être franc avec lui.
-
Multiples apartés qui marquent le double jeu des deux personnages
- Le réel
enjeu de la discussion, « Suzanne », n’est jamais
affirmé entre eux, il n’est prononcé que dans un aparté l.170.
-
Pourtant, quelques allusions à Suzanne dans les désignations :
« ma femme » l.142, « ma mie » l.169, « les
jeunes » l.174
- L’enjeu
apparent de la discussion, « Londres », l.144, est
l’occasion d’un duel argumentatif que tout ramène au mariage et
à Suzanne :
Le comte
|
Figaro
|
Aller à Londres = chemin de la fortune
|
Renonce à la fortune, privilégie sa
femme : « heureux avec ma femme »
|
Suggère à Figaro d’emmener parfois sa
femme avec lui à Londres
|
Renonce
pour ne pas mettre son mariage en péril : « mariage
par-dessus la tête »
|
Pourrait faire de la politique
|
« J’aime mieux ma mie, ô
gué ! »
|
B)
Le Comte cherche à manipuler Figaro
-
C'est lui qui pose les questions et mène l'entretien.
-
Le comte emploie des sous-entendus, n'est pas franc :
x parle par antiphrase l. 122 « belle
association »,
x ironie l. 154 « comme l'anglais, le
fond de la langue » (référence au début de la scène, la
tirade « god-dam » de Figaro)
x didascalie l.175 « raillant » (=
se moque)
x parle par métaphores, sans être très
explicite : « jamais aller droit » l.133-134
-
Sa stratégie pour faire parler Figaro :
1)
Il manie le chantage
affectif : l.119, évoque amèrement la complicité passée pour
culpabiliser Figaro (les
points de suspension au début des répliques l.119 et 151 = marquent
un changement de ton, la
flatterie ou le
chantage)
2)
Il se montre de mauvaise foi et humiliant :
x
Question qui implique la corruption de Figaro :
« combien la Comtesse
t'a-t-elle donné ?» =
se montre humiliant en
posant la question du « combien » et non du « est-ce
que » ?
x
hyperbole (adverbe généralisant « toujours ») :
« pourquoi faut-il qu'il y ait toujours du louche en ce que tu
fais ? » = se montre soupçonneux, sans preuve tangible
(« il y a du louche » = formule vague « il y a »
+ partitif « du » qui donne une quantité indéfinie)
x
phrase exclamative non
verbale : « Une
réputation détestable ! » =
Accusation non
valable puisque fondée
sur un argument d'autorité
(la rumeur, la réputation) =
se montre ingrat (semble avoir oublié les services que Figaro lui a
rendus par le passé).
x
dernière accusation toujours de mauvaise foi (l.133-134) = certes,
utilise cette fois le « je » au lieu de la réputation,
mais repose sur une affirmation excessive (hyperbole « cent
fois » / « jamais ») sans anecdote concrète
(infinitifs « marcher » / « aller » = non
fixés dans le temps, abstraits).
3)
Il cherche à séduire Figaro, l.151, en faisant miroiter une belle
carrière
4)
l.172-184 : Evocation du procès contre Marceline,
comme une menace, pour faire plier Figaro.
-
Finalement, il apparaît injuste aux yeux du lecteur : accuse
Figaro de ses propres défauts :
x
accuse Figaro de lui cacher la vérité « tu me disais tout »
/ ou de faire des choses « louches » - c'est lui qui en
réalité lui cache ses vues sur Suzanne
x
accuse Figaro de corruption : il corrompt lui-même Suzanne en
lui offrant une « dot » en échange de faveurs sexuelles.
x
accuse Figaro d'avoir une réputation détestable : c'est
lui-même qui a la réputation de « courtiser les beautés des
environs » (scène d'exposition)
C)
Figaro ne se laisse pas manipuler et se montre même supérieur au
comte dans l'art de manier le langage
-
il ne répond pas
franchement aux attaques du comte :
x
lui aussi fait des apartés
x
utilise des parallélisme de construction dans la première réplique
= affirme que la complicité
passée est toujours d'actualité. Mais un lecteur attentif se rend
compte que désormais, les pronoms « je » et « tu »
sont séparés par l'adverbe de négation « ne » = en
apparence, complicité sauvegardée, en réalité, rupture de
confiance.
x
autre parallélisme dans sa 2è réponse : « Combien
t’a-t-elle
donné » / « Combien me
donnâtes-vous » = répond à une vraie question par une
question rhétorique = ce
n'est pas une réponse nette.
x
à la question du « louche », il répond par une maxime
« on » gnomique (= généralisant, tous les hommes) +
présent de vérité générale (« voit » / « cherche »)
= ne s'inclue pas dans sa réponse, et prends également soin de ne
pas désigner le comte, donc reste vague et général.
x
à l'accusation de sa mauvaise réputation, il emploie
le
pluriel « beaucoup de seigneurs »
+ question rhétorique qui évite encore une fois de donner une
réponse nette.
x
à propos du fait qu'il n'aille pas « droit », il profite
de la métaphore de la marche pour lancer une autre métaphore sur
« la foule » pour répondre = ici encore, une réponse
généralisante, peu précise.
- Il profite de ses réponses pour attaquer à son tour, subtilement, le comte :
- Il profite de ses réponses pour attaquer à son tour, subtilement, le comte :
x
il lui rappelle qu'il ne l'a
pas payé pour l'aider à avoir Rosine (« combien
me donnâtes-vous…? ») = souligne l'ingratitude du comte.
x
il met à jour une relation
de cause à effet pernicieuse l.128-129 (« c'est que…
quand... ») pour montrer que le comte est
partial (pas objectif). Paraphrase
= si vous ne cherchiez pas à montrer que j'ai tort, vous ne verriez
pas du louche dans tout ce que je fais.
x
il accuse implicitement le
comte d'avoir lui-même mauvaise réputation (et d'être encore pire
que sa réputation ne le dit), l.131-132 +
l. 174 : « Votre Excellence se permet de nous souffler
toutes les jeunes [filles] ».
Bilan :
Figaro ne se laisse pas manipuler par le comte, au contraire, il
retourne ses accusations contre lui, de manière subtile.
II.
La
confrontation entre
deux individus révèle
en réalité les
aspirations et les critiques sociales de Beaumarchais
A. Figaro et le comte représentent leur classe sociale
- vouvoiement contre tutoiement
A. Figaro et le comte représentent leur classe sociale
- vouvoiement contre tutoiement
- apostrophes révérencieuses « Monseigneur », « Votre
Excellence » / le comte appelle les domestiques par leur prénom
(« Suzanne », « Marceline ») et désigne sa
femme par son titre de noblesse « la comtesse ».
-
Le comte représentatif des
nobles, condescendant :
x
Il a
le
pouvoir : lexique de la
hiérarchie « gratifié
» l.139-140, « t'avancer » l.148, « sous moi »
l.151-152
x
Il pose l'hypothèse d'une
progression sociale de Figaro l.147-148, mais au conditionnel (« tu
pourrais »), et avec un connecteur temporel très incertain
(« un jour ») = comme si cette progression était
illusoire et qu'il n'y croyait pas lui-même.
x
Il
a une vision caricaturale du valet : fourbe, corrompu, déloyal,
etc. (l.121-134)
-
Figaro = le Tiers Etat,
conscient de sa position, amer des inégalités sociales :
x
Il
rappelle sa fonction : « homme
qui nous sert » l. 125 ,
« valet » l.125, « conciergerie » l.140
x
Mais il insiste surtout sur
le fait qu'il est un « homme » avant d'être « un
valet » (l.124), et que c'est l'humiliation ressentie qui peut
faire de lui un « mauvais valet » : l'antithèse
« bien » / « mauvais » l.125 souligne
la responsabilité du maître dans le passage de l'un à l'autre.
x
Il a également un vision
caricaturale du seigneur : l.131-132, sous-entend que la
majorité des nobles sont hypocrites, puisqu'ils offrent une belle
image au monde (la « réputation ») mais qu'ils valent en
réalité moins bien qu'elle.
x
l.131-132, il se compare aux
seigneurs, pour conclure qu'il vaut mieux qu'eux = assez osé, voire
insolent de la part d'un valet.
x l.135-137 : registre épique, accumulation de verbes d'action,
C.L. de la rivalité (« courir », « presse »,
« pousse », « coudoie », « renverse »)
= violence des gens du peuple les uns envers les autres, car les
places pour réussir sont rares, d'où absence de solidarité,
malheur (« le reste est écrasé » l.137 → Beaumarchais
/ Figaro souhaite une société fondée sur le mérite personnel et
non pas sur la naissance. Idée confirmée l.145 dans la question
rhétorique « de l'esprit pour s'avancer ? » =
Figaro regrette cette société où l'intelligence personnelle ne
sert à rien.
x Il montre lui-même sa culture : cite un proverbe italien…
en Italien, l.179 ; et cite la phrase d’une chanson utilisée
chez Molière, dans Le Misanthrope.
x
Il conclut sur leurs
différences sociales inconciliables : antithèse « grands »
/ « petits » l. 177
B. Figaro / Beaumarchais fait une satire de la politique...
- Remise en cause des valeurs de la société d'Ancien Régime, dans
le paradoxe l.150 : « Médiocre et rampant ; et l'on
arrive à tout » = attaque à la fois de Bazile (qui se donne
sans aucune morale au plus offrant), et plus largement des courtisans
(qui sont prêts à tout pour obtenir et conserver les faveurs du
roi).
- Tirade satirique sur la politique (l.155 à 165) :
x C.L de la plus importante des caractéristiques : le paraître
(« feindre » l.155, « paraître » l.160,
« jouer […] un personnage » l.161)
x construite sur une liste de paradoxes et d'antithèses qui montrent
le renversement de valeurs de la politique (le mal est bien) :
« ignorer »/ « sait ; « savoir » /
« ignore » ; « entendre » / « ne
comprend pas » ; etc.).
x accumulation de verbes à l'infinitif = effet d'insistance sur le
renversement de valeurs, et en même temps, mode d'emploi facile à
comprendre.
x thématiques critiquées :
-l'ignorance et la bêtise de ceux qui font de la politique (C.L de
l'ignorance + « vide et creux »)
-le culte du secret (C.L : « ignorer ce qu'on sait »,
« ne point ouïr ce qu'on entend », « grand
secret », « cacher », « s'enfermer »)
-l'inactivité (« tailler des plumes » + absence de tout
autre verbe d'action)
-l'espionnage (C.L : « espions », « traîtres »,
« amollir des cachets », « intercepter des
lettres »)
x conclusion à double sens l.163-164 : « ennoblir la
pauvreté des moyens par l'importance des objets »
(paraphrase : faire semblant que les pauvres moyens utilisés
sont nobles et grands, puisque leur but est noble et grand) :
sens 1 : ceux qui font de la politique masquent le fait que les
moyens utilisés soient immoraux.
sens 2 : seuls les « nobles », bien que médiocres,
sont considérés comme « importants », précisément
parce qu'ils sont nobles.
= critique des courtisans.
= critique des courtisans.
-
Equivalence formulée par le
comte : politique = intrigue
Equivalence confirmée par Figaro dans la métaphore des
« germaines » → immoralité de la politique.
C. …
et une satire de la justice
inique
Rappel : le comte Almaviva est le « grand corregidor » d'Andalousie (voir didascalie initiale de présentation des personnages) = premier officier de justice. C'est donc lui qui présidera le procès de Figaro.
Rappel : le comte Almaviva est le « grand corregidor » d'Andalousie (voir didascalie initiale de présentation des personnages) = premier officier de justice. C'est donc lui qui présidera le procès de Figaro.
-
Entre
l'échange sur la politique et le procès de Figaro, le comte emploie
un connecteur logique (« ainsi ») comme si le procès
était la conséquence du refus de Figaro d'aller à Londres, donc
une punition du comte envers
son valet.
-
C.L du procès : « procès », « crime »,
tribunal », « magistrat », « ordonnance »,
et en
parallèle, C.L du bien et du mal : « crime »,
« mal », « bien » : souhait
de Figaro/ Beaumarchais que la Justice soit le lieu du Bien … idée
implicite : ce n'est actuellement pas le cas.
-
Question rhétorique de
Figaro = ironie et impertinence :
x
l'expression « faire un crime de » est polysémique :
à la fois « reprocher » et également « juger qq chose
comme illégal » → en apparence, Figaro demande au comte de
ne pas lui reprocher ses goûts ; en réalité, il lui demande
de ne pas le condamner à épouser Marceline, comme s'il savait que
le comte avait déjà pris sa décision.
x
antithèse : « vieille
fille » / « toutes les jeunes » : Figaro
accuse implicitement le comte de vouloir lui prendre sa femme = très
audacieux de sa part, et également dangereux, puisque c'est le comte
qui arbitrera le procès.
-
maxime énoncée par Figaro : « indulgente aux grands, dure aux
petits » (antithèse + phrase non-verbale + pluriel globalisant
« aux ») = résume toute la pensée de Beaumarchais à
propos de la Justice inique
(idem La Fontaine dans « Les Animaux malades de la peste » :
« selon que vous serez puissants ou misérables, les jugements
de cour vous rendront blanc ou noir ».
-
Figaro a plus confiance en
« tempo »
(le temps) qu'en le comte pour dire la vérité sur le bien et le
mal, comme le souligne le présentatif « c'est lui qui »
l.180
-
conclusion sur la justice
tout à fait inique : malgré
ce que le comte affirme à haute voix l.175-175, il
rend une justice qui sert ses propres intérêts, au lieu de rendre
une justice équitable : « il épousera la duègne »
→ futur de certitude. Le comte a donc jugé Figaro avant même que
le procès n'ait eu lieu.
Bilan :
Figaro est ici le double de Beaumarchais qui fait entendre sa
critique sur la société inégalitaire de son époque.
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