mardi 17 novembre 2015

Barbier, L.A n°1

Acte I, scène 2 (extrait) : p.51 : « cet homme ne m'est pas inconnu » à p.56, « Ah ! Comme je leur en garde, morbleu ! »

I. Une scène d'exposition traditionnelle
A. Présentation du passé et des personnages
-double énonciation : scène de reconnaissance + présentation des personnages aux spectateurs
-description visuelle des personnages grâce aux réflexions de chacun sur l'autre : emploi d'adjectifs qualificatifs précis : Figaro vu par le comte : « cette tournure grotesque » + « te voilà si gros et si gras » ; par opposition, le comte a un « air altier et noble » selon Figaro => ont l'air de leur statut social.
-identité des personnages : « le comte Almaviva » et « Figaro » ;
-On apprend également le lieu : Séville.
-le passé de Figaro : « garçon apothicaire »  … « dans les haras d'Andalousie » p.53 puis le Ministre « [lui] a fait ôter [s]on emploi » quand « il a su que [Figaro] étai[t] imprimé tout vif » p. 54 ; puis a fait du théâtre p.55, mais la cabale l'a fait échouer p.56 .

B. Présentation des relations entre eux
-le comte tutoie Figaro alors que Figaro le vouvoie.
-le comte attribue des apostrophes dévalorisantes ou sarcastiques à Figaro : « ce coquin », « maraud », « pauvre petit », p.52
-il lui rappelle même ses défauts : « mauvais sujet », « paresseux, dérangé » p.55
-Figaro appelle le comte « Monseigneur » p.52, « Excellence », p.53
-Figaro a été le valet du Comte : « Je me souviens qu’à mon service… », p.55
-le comte a « autrefois recommandé » Figaro pour un autre emploi, p.52
-c'est le comte qui interroge (la majorité des répliques est interrogative), et Figaro répond.

C. Présentation de l'intrigue
-Le comte est déguisé car il veut « être inconnu » p.53 ; et se fait appeler « Lindor ».
-Le mystère est entretenu un moment : le comte emploie un pronom indéfini très vague : « j'attends ici qq chose » p. 53 ; il organise une mise en scène (impératif « ayons l'air de ») pour paraître « moins suspects » → « deux hommes qui jasent ». p.53
- l’intrigue amoureuse se fait sentir p.55, avec :
- le Comte qui interrompt Figaro : didascalie : « l'arrêtant » + injonction « Un moment... »
- le pronom féminin qui ne renvoie à personne de connu, ni par Figaro, ni par le spectateur  :« J’ai cru que c’était elle… »
- didascalie indiquant que l'intérêt du comte se porte plus sur la « jalousie » que sur Figaro, p. 56


II. Une scène comique au service de la dénonciation
A. « Je me presse de rire de tout de peur d'être obligé d'en pleurer » (p.57)
Figaro est un joyeux, plein de verve :
-antiphrase : « voilà les bontés familières dont vous m'avez toujours honoré » p.52
-paradoxe : « que voulez-vous, monseigneur, c'est la misère » p.52
-effet de chute grâce au décalage comique entre le titre ronflant de « Garçon Apothicaire » et le lieu « dans les haras d'Andalousie »  p.53
-comique de situation et comique de mots : « je vendais souvent aux hommes de bonnes médecines de cheval » p.53 (jeu sur l'expression « remède de cheval »).
-l'excuse qu'il se donne pour avoir tué les sujets du Roi  : « il n'y a point de remède universel »p.54
-la personnification de son emploi : « Quitté ? C'est bien lui-même » p. 54
-l'hyperbole : « il a pris la chose au tragique » p.54
-sa suffisance : « je faisais, je puis dire assez joliment, des bouquets à Chloris » p54, « je vous essayer de nouveau mes talents littéraires » p.55, « je ne sais comment je n'eus pas le plus grand succès » p.56
-l'aveu naturel de sa corruption du public (mise en abîme) : « j'avais rempli le parterre des plus excellents Travailleurs » p.56 + la comparaison « des mains… comme des battoirs ».

Réaction amusée du comte :
-ironique « pauvre petit ! » p.52 + « beau début ! » p.53 + « Monsieur l'Auteur tombé » p.56 : entre dans le jeu de Figaro
-didascalie « le comte, riant » p.53 puis p.55
-termine plaisamment le récit de Figaro : « qui tuaient les sujets du roi ! » p. 53
-s'exclame de manière hyperbolique : « Ah ! miséricorde ! » p.55 puis « Ah ! la cabale ! » p.56

B. Figaro, représentant de Beaumarchais et des gens de lettres ; le comte, affiche son indifférence
-de même que Figaro a occupé de nombreuses fonctions, Beaumarchais a occupé de nombreux emplois (voir sa biographie)
-il est cultivé : cite (approximativement) un vers de la Henriade de Voltaire
-lexique de l'écriture littéraire : « des vers », « au tragique », « amour des Lettres », « talents littéraires », « théâtre »
-énumération des différents genres auxquels s'est essayé Figaro, p.54 : « que je faisais […] des bouquets à Chloris », « des énigmes aux journaux », « des madrigaux de ma façon »

Par contraste, le comte manifeste de l'indifférence, voire du mépris à l'égard des gens de lettres :
-péjoratif « griffonnant » quand Figaro compose.
-Exclamation de rejet : « Oh grâce ! grâce, ami ! » quand Figaro cite Voltaire
-Il acquiesce à la formule du Ministre : « L’Amour des Lettres est incompatible avec l’esprit des affaires »
-Manifestation d'inquiétude : « Ah ! Miséricorde ! » à l'annonce des pièces de théâtre de Figaro
-Ironise sur le titre que s'attribue Figaro : « Monsieur l’Auteur tombé ».

C. Dénonciation des inégalités sociales et satire des mœurs théâtrales
-A la menace du comte (« maraud, si tu dis un mot... »), Figaro ironise sur les « bontés familières » du maître, p.52 : rappel discret qu'il n'a pas toujours été bien traité.
-deux aphorismes pour dénoncer les inégalités sociales :
« un grand nous fait assez de bien quand il ne nous fait pas de mal » (p55) : antithèse en parallélisme
« on veut que le pauvre soit sans défaut » (p55) : le « on » représente un « vous » = les puissants
- une question rhétorique comparant le mérite des domestiques et celui des maîtres : « Aux vertus qu'on exige dans un Domestique, Votre Excellence connaît-elle beaucoup de Maîtres qui fussent dignes d’être Valets ? » (p55). → preuve que l'argument a porté : le comte ne sait que répondre : « Pas mal », puis changement de sujet.

Beaumarchais dénonce la corruption au théâtre (corruption double) :
-Figaro -qui représente ici le dramaturge malhonnête- s'est démené pour que sa pièce fonctionne, grâce à deux plus que parfait montrant sa préparation du spectacle : « j'avais rempli », « j'avais interdit », et son constat : « le Café m'avait paru dans les meilleures dispositions pour moi ».
-a payé les spectateurs pour qu'ils applaudissent (d'où l'emploi du terme « Travailleurs » pour les désigner).
-insertion fantaisiste d'une règle absurde, grâce à l'accumulation : « j'avais interdit les gants, les cannes, tout ce qui ne produit que des applaudissements sourds » p.56
-malgré ces précautions inutiles (clin d'oeil au sous-titre de la pièce), annonce de l'échec grâce à l'adversatif « Mais » et le nom « cabale » qui ne nécessite pas de phrase développée, tellement le mot est évocateur.
-description de la cabale : « ils m'ont sifflé » : trahison
-mise en abîme et confusion des rôles : on ne sait plus qui joue et qui regarde : le comte est déguisé et se donne « l'air de jaser », mais c'est lui qui regarde la scène que constitue le balcon à la jalousie ; Figaro met en scène sa propre vie et le comte en est le spectateur qui rit et applaudit ; les spectateurs du théâtre de Figaro sont payés pour être acteurs ; Beaumarchais est Figaro...

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