vendredi 27 mars 2015

TEXTES des L.A : Réécritures de Tristan et Iseut



Eric Vignier, Tristan, 2014

LE JEUNE HOMME

Devant le peuple libéré, le gouvernement provisoire d'Irlande a donné solennellement sa fille unique. Devant le peuple, solennellement, Tristan l'a acceptée. Il l'a prise pour son roi, et non pour lui. Il l'a prise pour la ramener à Tintagel. Iseult sera la femme de Marc. Iseult sera reine de Cornouailles.

BENEDICTE

Tristan a trahi sa femme pour la livrer à un autre. Tristan le vassal, mercenaires de Marc, Tristan le rabatteur, Tristan les maquereau, Tristan le pimp, enlève et rançonne de toute éternité la femme pour la vendre à son commanditaire. Et tu ne dis rien, ça ne te fait rien, tu ne hurles pas, tu te tais devant l'injustice, tu te tais devant l'infamie. Tu n'a pas envie de tuer, tu n'a pas envie de crier. Tu reste là comme un crétin, avec ton livre et ta jolie histoire sentimentale. Mais tu ne vois pas le viol ? Tu ne vois pas le crime, l'esclavage, l'horreur ? Tu ne vois pas l'horreur ? Tu ne vois pas le meurtre ? Les hommes sont lâches devant l'amour ! Infamie ! Tristan, je te maudis ! Irréparable outrage ! Oh ! ne pas y croire et pleurer... Je pleure devant la lâcheté de l'homme qui se cabre devant l'amour. Je crache devant ta lâcheté, Tristan, de ne pas vouloir la posséder tout entière alors que tu la désires ! Je pleure de ta misérable combine, de ton petit arrangement, de ton sale coup ! […] Pauvre Tristan qui refuse d'affronter le véritable combat, le seul qui vaille le coup dans cette vie. Iseult l'invite en privé pour faire ce voyage exclusif et il se retire, le petit garçon. Il jauge, il évalue, alors qu'il faut sauter dans les lacs gelés. Il calcule, pense, énumère : non, vraiment... dans le fond, après tout... tout bien réfléchi... oui, pourquoi pas ?... comme expérience... Il le voudrait bien mais il n'ose pas, il hésite, il ne sait pas le petit branleur. Oh ! honte ! honte sur toi ! La tristesse, c'est un sentiment minuscule. Donne-moi ça !

LE JEUNE HOMME

Qu'est-ce que c'est ?

BENEDICTE

C'est mon secret : un mélange explosif de ma composition, de la poudre du diable. Mon ange, l'ecstasy à côté, c'est de la grenadine ! Tu te souviens du mouchoir magique d'Othello ? La mère d'Othello était libyenne, elle lui a légué un mouchoir très ancien dont les fibres ont été trempées d'une liqueur extraite avec art de coeurs momifiés de jeunes vierges. Il ne fallait pas qu'elle le perde. Ce mouchoir magique garantissait l'amour d'Othello et de Desdemone, tu t'en souviens ? Iago, qui veut se venger d'Othello, trouve le mouchoir et le fait disparaître. Othello devient fou de jalousie, fou d'amour, jusqu'à commettre le meurtre que tu connais : l'assassinat de la femme qu'il aime le plus au monde. Donne-moi ça. Je prépare pour Iseult le lovedrinc, la kétamine puissance 1000 de ma fabrication, qui précipitera dans le désir inaltérable celui qui boira ce poison avec elle. Les amants seront intoxiqués pour toujours ! Donne-moi ça. Je prépare, au cas où, une mort-aux-rats foudroyante pour qu'elle se suicide si les choses tournent mal.


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