Ronsard,
poète de la Pléiade et poète officiel de la cour de
Catherine de Médicis. Il s’agit d’un poème de commande, dans
lequel Ronsard doit célébrer la suivante, Hélène de Surgères,
une jeune veuve.
I
Une stratégie de séduction étonnante
A.
Portrait paradoxal de la femme
Ronsard
ne dépeint pas les beautés présentes de la femme, ni son caractère
enchanteur, bien au contraire :
-
son seul trait de caractère est la redondance du vers 12 :
« fier dédain »
-
sa seule description physique est celle qu’imagine le poète pour
montrer les ravages du temps : le
poème est construit
sur une prolepse
dépeignant à
Hélène un avenir peu radieux, puisqu’il
attaque d’emblée sur
sa vieillesse.
-
Ironie du 1er
vers, qui insiste cruellement sur la vieillesse de la femme grâce à
l’intensif « bien » dans « bien vieille ».
-
le mot « vieille » : v.1 est mis en relief par sa
position à la césure
-
Nombreux futurs
-
le « soir » est symbolique :
fin de vie
-
Le cadre spatial montre le rétrécissement de la vie (lieu clos) :
« Assise auprès du feu » (v.2),
« au foyer » (v.11)
-
le feu suggère en outre que la
« vieille » a froid, qu’elle tente de se réchauffer…
présence de la mort.
-
nombreux
participes présents =
ennui
et
monotonie de la
vieillesse
-
« dévidant » (radical
« vide » // vide de sa vie) + référence au mythe des
Parque qui déroulent le fil de la vie. Métaphore de la laine
comme fil du temps.
-
verbe « filant » = temps qui fuit
ou qui « file ».
-
« Demi-sommeillant »
v.6 :
approche de la mort.
-
Vers 1 : rythme irrégulier (6/2/4)
= fragilité
de la vie humaine
-
Enjambements : v.11-12, qui dépasse la strophe = accélération
du temps
B.
La stratégie de persuasion : effrayer la femme aimée
Pour
inciter Hélène à accepter ses avances, le poète joue sur
l’inquiétude et dans les derniers vers il lui propose une
solution : le carpe diem.
-
Polyptote sur le mot « vieille » v.1 et 11 = insiste
cruellement sur la déchéance physique.
-
Indices temporels en gradation : « Quand »,
« Lors », « Déjà » = vers une accélération
du temps qui passe
-
mise en garde : la
« chandelle » est
une flamme
de la vie bien fragilisée, et
qui rime avec « belle » : tout
comme la chandelle s’amenuise, la beauté se fane.
-
Déchéance
de la femme : on passe d’« assise »
(v.1) à « accroupie » (v.11).
-Opposition
futur/passé : « serez » (v.1) ; « direz »
(v.3) ; « célébrait » (v.4) insiste sur le fait
que le présent (célébration d’Hélène dans ce poème,
maintenant) deviendra du passé dans le futur → marque du regret
-
« du temps que j’étais belle »
v.4 : imparfait, temps de l’achevé = marque de regret éternel
-
emploi explicite du verbe « regrettant »
v.12
C.
Conseil de Carpe diem
-
le tableau de la
1ère strophe fait penser à La
Madeleine à la veilleuse, une
vanité du peintre Georges de La
Tour ( où la pécheresse repentie,
Marie Madeleine, médite sur la vie et sa fragilité, évoquée par
le crâne et par la petite flamme éphémère et tremblante).
-
registre didactique des deux derniers
vers grâce aux impératifs : « Vivez »,
« n’attendez », « cueillez » : le
poète administre une leçon de vie à la jeune femme.
-
condition « Si m’en croyez » (exactement comme dans
l’ode à Cassandre) : le poète
se pose en guide qui sait.
-
Topos littéraire des
roses de la vie : la rose est le symbole de la beauté éphémère.
-
antithèse
« aujourd’hui » v.13 et « demain » v.
14 : urgence
de l’action qui ne peut pas attendre
-
l’indice temporel « dès
aujourd’hui » confirme le caractère urgent du
carpe diem
-
Vers 13, le rythme est ascendant (2/4/6) pour laisser entendre
l’appel à la vie « Vivez, si m’en croyez, n’attendez à
demain ».
-
polyptote « vivez », « vie » v.13 et 14
II…qui
cherche à mettre en valeur le pouvoir du poète
A.
Glorification du poète
-
omniprésence du poète : plutôt
qu’un poème à la femme aimée, c’est un poème sur soi :
Ronsard présent dans toutes les strophes.
-
déterminants possessifs : « mes vers » (v.3), « mon
nom » (v.7), « mon amour » (v.12) =
narcissisme du poète
-
hyperbole v.5-7 : « bruit
de Ronsard »
(« bruit » = renommée)
capable de réveiller une servante , or
la servante
figure celui qui
a peu de
culture, donc si elle
connaît le nom de Ronsard, c’est
qu’il est très connu
-
Le discours direct « Ronsard me célébrait du temps que
j’étais belle » met en évidence les regrets de la jeune
femme ;
-
Il se cite deux fois : v.4 et v.7,
à des positions qui le mettent en
avant : début de vers ou à la césure
-
Parle de lui à la 3ème personne au v.7, comme si son nom avait déjà
une réputation universelle
B.
immortalité du poète / la poésie capable de dépasser la mort
Sa
gloire le rend immortel.
Paradoxe :
la mort du poète est montrée comme bien plus enviable que la
vieillesse de la femme :
-
parallélisme des vers 9 et 11 pour marquer la
gloire de Ronsard, par opposition à la décrépitude de la femme.
-
litote : « je serai sous la terre » v.9→ sa mort
n’en est pas vraiment une puisqu’il sera toujours.
-
il se repose (« repos ») / tandis qu’elle s’occupe et
que sa servante a du « labeur »
-
dans un cadre attirant, à l’ombre des myrtes (« Ombres
myrteux » = lieu où se trouvent les amoureux dans les enfers
de la mythologie ; « ombres », ici, est masculin) /
tandis qu’elle tente de se réchauffer
-
Il n’est plus gêné par son corps (« fantôme sans os »)
/ tandis qu’elle est « une vieille accroupie »
C.
Pouvoir divin du poète et de la poésie / victoire sur le temps
-
C.L de l’éloge : « célébrait », « bénissant »,
« louange » : c’est la poésie de Ronsard qui fera
que le nom d’Hélène sera connu de la postérité.
-
le verbe
« émerveillant »
v.3
est
fortement
connoté :
la
merveille est ce qui semble dépasser les forces de la nature ;
émerveiller consiste donc à dépasser la nature, voire à dépasser
la mort.
-
les références aux mythes (les Parque au v.2, les myrtes des Enfers
au v.10) font accéder Ronsard à la fonction de démiurge (celui qui
crée un monde) : il est celui qui peut empêcher la mort, donc
rendre immortel.
-
l’adjectif « immortelle » est explicite v.8, et
elle rime avec « belle » du v.4 : le
poète pourra immortaliser à jamais la beauté d’Hélène.
-
Mais il ne cite pas le nom de la femme dans ce sonnet, contrairement
au sien : c’est une sorte de chantage, il ne le fera que si
elle cède à ses avances.
-
C.L de l’ouïe : « oyant », « chantant »,
« bruit » = symbolise la poésie qui se chante, se dit,
et qui reste toujours vivante (contrairement au silence qui est mort)
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