Baudelaire est un
poète romantique précurseur du symbolisme et épris de
Parnasse...
Ce sonnet lyrique appartient à la section « Spleen et idéal » du recueil Les Fleurs du mal (1ère édition en 1857). Dans cette section, trois femmes sont célébrées tour à tour dans différents cycles. Il s’agit ici de Jeanne Duval, surnommée la « Vénus noire », une métisse qui a longuement partagé la vie de Baudelaire dans liaison orageuse.
Ce sonnet lyrique appartient à la section « Spleen et idéal » du recueil Les Fleurs du mal (1ère édition en 1857). Dans cette section, trois femmes sont célébrées tour à tour dans différents cycles. Il s’agit ici de Jeanne Duval, surnommée la « Vénus noire », une métisse qui a longuement partagé la vie de Baudelaire dans liaison orageuse.
I.
Un sonnet adressé à une femme désirée et détestée à la fois
A.
A une femme désirée et sensuelle
– apostrophe
amoureuse :« ma belle ténébreuse » v.1
– marques
de la 2ème pers: « tu », « ta », « tes »
: tutoiement = familiarité
- « lorsque tu dormiras » : poème semble débuter sur une vision angélique de la belle endormie.
- « lorsque tu dormiras » : poème semble débuter sur une vision angélique de la belle endormie.
-
beauté de cette femme « ma belle » v.1, « charmant »
v.6
-
forme de majesté : « manoir », « marbre »
(matériau noble), « monument »
-
sensualité des labiales (= sons où les lèvres se touchent) :
allitérations en [m] et [b] dans 1ers vers.
-
C.L du corps : « ta poitrine » v.5, « tes
flancs » v.6, « ton coeur » v.7, « tes
pieds » v.8 = image sensuelle de la femme.
-
les termes « alcôve » v.3, « courtisane » v.12, la périphrase
des « grandes nuits d’où le somme est banni » v.11 =
suggèrent des nuits d’amour
-
« nonchaloir » v.6 : pose lascive, femme désirable
B.
mais également détestée car incapable d’amour
-
« courtisane imparfaite » v.12 + « course aventureuse » v.8 = une
femme infidèle.
-
deux références à la pierre : « marbre » v.2
« pierre » v.5 = dureté et froideur de la femme (penser
à l’expression « coeur de pierre »)
-
d’ailleurs, cette « pierre » du v.5 opprime le
« coeur » v.7 de la femme : c’est son coeur de
pierre qui la fait mourir
-
allitération en [r] vers 5 : pierre, opprimant, poitrine,
peureuse dureté de la pierre, du marbre = froideur et dureté de la
femme
-
allitération en [p] vers 5 encore : mépris du poète
-
l’antithèse « peureuse » v.5/ « aventureuse »
v.8 s’explique par le fait que la femme est « peureuse »
avec les sentiments, mais « aventureuse » avec son
corps : donne de l’amour physique, mais pas d’amour moral,
tant souhaité par le poète.
-
les négations « imparfaite » v.12 + « pas connu ce
que pleurent les morts » (périphrase désignant l’amour)
v.13 = encore une fois, femme incapable d’amour, ce que lui
reproche amèrement le poète ici.
C.
Un message de carpe diem détourné en memento mori
ironique
-
carpe diem paradoxal : le poète ne semble pas inviter la
femme à profiter du jour présent, il lui rappelle plutôt qu’elle
mourra, et que la mort sera l’occasion de souffrances infinies
-
Titre ironique, presque oxymorique : peut-on éprouver du
remords dans la mort ?
-
Indices temporels qui organisent le sonnet : « Lorsque »
v.1 « Et lorsque » v.3 « Quand » v.5 : poème orienté
vers la mort : aucune référence à la vie présente,
uniquement un présage de ce que sera la mort de la femme.
– verbes
au futur (de certitude): fatalité de la mort.
-
nombreux enjambements qui accélèrent la fin.
-
Métaphores de la mort : « grandes nuits » v.11,
« dormiras » v.1 + métonymie du tombeau.
– dernier
ver isolé par un tiret typographique : effet de chute,
destruction totale de la beauté de la femme.
-
la prosopopée du tombeau apparaît comme une voix moralisatrice,
double du poète : la question rhétorique insiste sur la
vacuité (la vanité) de la vie de la femme (« que vous
sert... ? » attend une réponse de type : ma vie n’a
servi à rien).
-
C.L du vide, du creux,
du gouffre : « au
fond » v.2, «
caveau » v.4
« fosse creuse » v.4, avec
la
redondance
qui crée un effet
d’insistance = la vie
de cette femme, sans amour, n’est qu’un vide vertigineux.
II.
Une image effrayante de la mort
A.
La mort comme une punition physique
x
la restriction de l’espace :
– champ
lexical de l’enfermement et de l’oppression : « alcôve »,
« manoir », « caveau », « opprimant »,
« empêchera », « tombeau »
-
restrictive « ne … que » V3 et 4 = restriction de l’espace.
-
les actions des vivants (« dormir », « courir »,
« battre » et « vouloir ») sont désormais
impossibles : « dormir » / « le somme est
banni » v.11 ; « courir », « battre »
et « vouloir » / « empêchera » v.7
x
la décomposition du corps :
– éclatement, de décomposition des corps: ceci est suggéré par la mention de différentes parties du corps dans le second quatrain (poitrine/ flancs = ventre/ cœur/ pieds qui apparaissent éparpillés au fil des vers à l’image du corps démantelé
- allégorie v.14 (le ver = la mort, la décomposition) « Le ver rongera ta peau » : la beauté de la femme, déclinée dans le 2ème quatrain, est désormais saccagée.
– éclatement, de décomposition des corps: ceci est suggéré par la mention de différentes parties du corps dans le second quatrain (poitrine/ flancs = ventre/ cœur/ pieds qui apparaissent éparpillés au fil des vers à l’image du corps démantelé
- allégorie v.14 (le ver = la mort, la décomposition) « Le ver rongera ta peau » : la beauté de la femme, déclinée dans le 2ème quatrain, est désormais saccagée.
-
rythme du poème très saccadé, voire disloqué dans les tercets,
v.9 à 14 : sujet + apposition + parenthèse + CC de temps +
rejet du verbe + discours direct + tiret et chute. → à l’image
du corps disloqué ?
B.
La mort comme une punition morale
x
l’allongement infini du temps :
– participe
présent « opprimant » v.5 = mode de la durée
-
C.L de l’éternité : « infini » v.9, « toujours »
v.10, « grandes nuits » v.11
– une
très longue phrase de 13 vers comme pour mimer l’effroyable
permanence de cet état
-
diérèse « Pluvi/eux » qui allonge le mot = éternité de la mort,
ennui pesant et infini.
x
l’angoisse et le remords :
- C.L de l’obscurité : « nuit », « ténébreux », « noir » = peur
- C.L de l’obscurité : « nuit », « ténébreux », « noir » = peur
-
adjectif « peureuse » v.5. = angoisse de la femme
-
« pleurent » v.13 + « pluvieux » v.4 = la
nature est le reflet de l’âme (typiquement romantique) :
accentue le désespoir.
– négation
au passé « n’avoir pas connu » v.13 = temps terminé,
impossibilité de revenir dans le passé, à jamais inconnu de la
femme
-
« ce que pleurent les morts » v.13 : périphrase qui désigne
l’amour ; dimension pathétique amplifiée par le verbe au
présent : les pleurs sont éternels.
-
la comparaison du dernier vers = particulièrement frappante, dans la
mesure où 2 souffrances, l’une physique (le ver qui mange la
peau), l’autre morale (remords), coexistent dans une image
terrifiante. De plus, comparaison « inversée » puisque
le mot concret (le ver) est comparé à un mot abstrait (le remords),
contrairement à l’habitude → amplifie l’horreur.
-
1er mot du titre du poème termine le poème
(« remords ») : lui donne un poids particulier, il
enferme le sonnet, sans échappatoire possible.
NB :
« remords » bien plus fort que « regret » :
dimension morale, car conscience d’avoir mal agi ;
culpabilité)
C.
Le pouvoir de la poésie
Sorte
de chantage amoureux : le poète incite la femme aimée à
l’aimer en retour, pour ne pas être définitivement détruite par
la mort (le vers/ver).
-
répétition de « tombeau » v. 9 et 10, liée à deux
termes d’intimité (« confident », « comprendra »
: évocation d’une intimité poète/ mort, plus étroite que
l’intimité poète/ femme aimée = suggère que le poète est aussi
puissant que la mort.
-
même idée dans l’écho
entre « mon
rêve infini » v.9
et « ces grandes nuits »
v.11 : comme si la
mort (métaphore des grandes nuits), pouvait être dépassée par la
perfection poétique (le rêve infini) = Baudelaire se rêve poète
capable de transcender la mort.
-
l’homophonie
« ver » qui ronge/ vers du poète suggère
que si la femme aime le poète, alors en retour, celui-ci écrira des
vers à sa gloire, ce qui la rendra immortelle (à l’inverse du ver
qui la détruit inexorablement).
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