L.A
n°4 : Acte III, scène 16
de « Des fautes si
connues ! » à « il ne manquera rien à ta mère »
I.
Le procès de Marceline ?
A.
Marceline, de coupable à victime
- scène de procès : C.L
du jugement : « fautes », « juge »,
« coupables », « victimes », « magistrats »,
« juger »...
- mais jugement plus moral que
légal : C.L de la morale : « fautes »,
« déplorables », « expier », « punir »,
« erreur », « honnête »
-Au départ, c’est Bartholo
qui est en position d’accusation : l.552, emportement visible
dans la double exclamation + phrases elliptiques qui marquent
l’indignation.
- Marceline commence par
plaider coupable dans une concession (« oui »). Elle n’a
aucune complaisance pour elle-même : intensifs « même
plus qu’on ne croit ».
- Puis connecteur adversatif
« mais » l.555 qui montre qu’elle a payé (« expier »)
sa faute.
- De nouveau, connecteur
adversatif « mais » l.558 qui introduit des circonstances
atténuantes dans une longue phrase associant accumulations «(« l’âge
des illusions, de l’inexpérience et des besoins »), deux
circonstancielles (« où » et « pendant que »),
une hyperbole (« tant d’ennemis rassemblés ») et une
question rhétorique = les circonstances atténuantes sont si
nombreuses que la faute n’en est plus une.
- conclusion en forme de
retournement de situation : « tel nous juge » est
celui qui « a perdu dix infortunées » = l’accusateur
devient coupable.
B.
Le procès des hommes
- Dans sa 2è réplique, elle
commence par une apostrophe accusatrice : « hommes plus
qu’ingrats » : elle inverse les rôles et devient à son
tour dans l’accusation.
- Mais ce n’est pas Bartholo
qui est visé (il ne prend plus la parole) : c’est l’ensemble
des hommes (« Hommes » sans article défini + pluriel +
« vous » = les hommes en général).
- Registre fortement
polémique : martèlement de « vous » et « vos »
+ hyperboles « tant d’ennemis rassemblés », « sous
tous les aspects, votre conduite » l.78
- Présentatif « c’est
vous » pour accentuer la faute des hommes : « c’est
vous qu’il faut punir » l.567= affirmation assez osée de la
part d’une femme.
- Lexique très péjoratif
pour décrire l’homme comme un enfant capricieux :
« ingrats », « mépris », « passions »
+ « jouets »
- L’homme est également vu
comme un mercenaire brutal dans la métaphore guerrière des l.559 à
561 (« assiègent », « poignarde »,
« ennemis »).
-
Enfin, il est hypocrite et injuste : antithèse « nous
juge ici sévèrement » / « a perdu dix infortunées » ;
formule appuyée par la sentence de Figaro : paradoxe au présent
de vérité générale : « les plus coupables sont les
moins généreux » ; « leurrées » +
« apparents » l.576
C.
L’efficacité du discours de Marceline
- gradation dans l’émotion
de Marceline (dans les didascalies) : « s’échauffant
par degrés », « vivement », « exaltée »
- pathétique :
x lexique pathétique :
« qu’il est dur » l.555, « infortunées »
l.562, « malheureuses » l.570, « horreur ou pitié »
l.578 (= lexique du tragique (le tragique est ce qui provoque
« terreur et pitié »))
x allégorie frappante :
« la misère nous poignarde » l.560,
x antithèse « une
enfant » / « tant d’ennemis » qui fait figure de
combat de la candeur contre le mal
- Très nombreuses
exclamations + interjection « ah »
- tournures hyperboliques :
« plus que », « trop », « tant de »,
« plus que », « si », « même » =
excès des hommes à l’encontre des femmes.
- Son discours est efficace
puisque trois hommes représentatifs de trois classes différentes
acquiescent : « raison » répété dans les trois
répliques qui suivent (Figaro = les domestiques, la classe
populaire ; Brid’Oison = les magistrats, la Justice ; le
comte = la noblesse, les dirigeants).
II.
Marceline, porteuse des
idées des Lumières
A.
Marceline, porte-parole de la cause des femmes
- elle passe du « je »
à « nous », l.559 : ne défend pas seulement sa
cause mais celui des femmes.
x autant des femmes pauvres :
« la misère nous poignarde » l.569
x que des femmes nobles :
antithèse « dans les rangs même plus élevés »
- elle manie les oppositions
pour montrer l’injustice subie par les femmes:
x « rangs […]
élevés »/ « considération dérisoire »
x antithèse « respects
apparents » / « servitude réelle »
x chiasme « traitées
en mineurs pour nos biens » / « « punies en
majeures pour nos fautes » l. 578
- elle montre que les femmes
sont victimes :
x elles sont complément
d’objet et non pas sujets des propositions : « nous
assiègent », « nous poignarde », « a perdu
dix infortunées », « homme qui flétrissez […] vos
victimes », « nous laissent »
x périphrase désignant les
femmes : « jouets de vos passions » l.566
x participe passé passif :
« leurrées », « traitées », « punies »
l.576 - 577
B. Mais elle constate également une
société injuste
- les magistrats sont
qualifiés péjorativement : « vains »,
« coupables » « négligence » ; ils sont
du côté des oppresseurs, des hommes : « vous et vos
magistrats », comme s’ils étaient les soldats des hommes.
- le travail des femmes est
impossible, d’où leur dépendance aux hommes : « nous
laissent enlever […] tout moyen de subsister » ;
référence implicite à la prostitution comme seul moyen de s’en
sortir : « honnête moyen de subsister » ; les
hommes leur prennent le seul travail qu’elles étaient en droit de
faire, la couture : « broder », « parure » ;
hyperbole « mille ouvriers de l’autre sexe » qui
accentue le fait qu’il ne reste aucun emploi pour les femmes ;
accusation renforcée par l’intervention indignée de Figaro
(« jusqu’aux soldats »)
- le droit est tout à fait
inéquitable : « servitude » de la femme ;
paradoxe révoltant : « traitées en mineures pour nos
biens, punies en majeures pour nos fautes » (paraphrase :
on les considère comme incapables de gérer leur fortune, géré par
les maris, alors qu’on les croit capables d’être jugées…).
C.
Elle incarne une certaine philosophie du bonheur à la Rousseau
[Rousseau : philosophe
défendant l’idée que les hommes sont naturellement bons et que
c’est la société qui les pervertit. Il prône un bonheur simple,
lié à la nature].
-Marceline est née
« bonne » : « j’étais née, moi, pour être
sage », « je le suis devenue sitôt qu’on m’a permis
d’user de ma raison »
-Ce sont les hommes qui l’ont
pervertie : « les séducteurs nous assiègent »
-Elle a cependant eu une vie
humble, voire pauvre : « trente ans d’une vie modeste »
-Elle croit au « droit
naturel » l.571 : notion philosophique, qui suppose que
même sans loi politique, les hommes ont des lois (et des droits et
des devoirs) innées, auxquelles ils obéissent naturellement.
-Dernière
réplique de Marceline : recette de bonheur simple
(« heureux ») :
« gai,
libre et bon » : accumulation d’adjectifs qui
définissent le bonheur
« ne
regarde pas d’où tu viens » : le bonheur est
indépendant de sa classe sociale
« tendres »,
« chérirons » : l’amour comme ingrédient du
bonheur
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